Spécial JCC 2012
A Tunis après l'entretien, 11/012. |
Le réalisateur malien qui a eu droit à un hommage à
Tunis revient sur ses absences aux JCC et indique le chemin à suivre à la
nouvelle génération.
Entretien avec Parfait Tabapsi à Tunis
Vous êtes de retour aux JCC depuis 24 ans. Peut-on
savoir pourquoi ?
La raison est toute simple.
Moi j’ai commencé à fréquenter ce festival depuis 1972 et ai gagné les trois prix.
Après l’obtention du 3è, un Tanit d’or du long métrage, j’ai vu qu’il n’y avait
aucune manifestation pour présenter mes films dans les salles de cinéma ici en
Tunisie. Je me suis donc dit qu’il n’y avait plus d’intérêt à ce que je vienne
encore ici si les films primés par des jurys internationaux ne pouvaient pas
être projetés pour des raisons que j’ignore. Ce n’était plus ni important ni
intéressant pour moi de revenir ici dans ces conditions-là.
Pourtant la belle histoire a commencé pour vous avec l’obtention
d’une distinction dès votre première participation en 1972 ?
Oui cette année là j’ai reçu
le Tanit de bronze avec «Cinq jours de.. ». en 1978, j’ai obtenu le Tanit
d’argent avec «Baara» et en 1982 le Tanit d’or avec «Finyè, le vent». Et si
avec tout cela l’on n’a pas considéré que mes films ne pouvaient être vus du
grand public en salles, je me suis dit qu’il devait y avoir un problème.
Avec ce retour, avez-vous la garantie que les choses
vont changer ?
Non il n’y a pas de
garantie. Mais je pense qu’il y a une autre volonté et je pense que les
organisateurs vont tout faire pour permettre aux distributeurs de films et aux
propriétaires de salles d’accepter de diffuser les films primés ou faits
ailleurs en Afrique qui sont de bonne facture.
L’on vous a vu très ému lors de la cérémonie d’hommage
à vous et à votre œuvre consacrée le 21 novembre dernier. Que représente cet
hommage des JCC pour vous ?
D’abord, cela est symbolique
parce que c’est le premier festival qui a reconnu mon travail. De plus, la
situation dans laquelle mon pays le Mali et la Tunisie se trouvent me font
penser qu’il y a un bouleversement en cours dans ces deux pays. A un moment,
j’ai anticipé sur ces situations, mais l’on n’a pas bien lu ou bien compris ce
que je disais. Quand j’ai par exemple fait «Finyè», primé ici même en 1982 et
je me retrouve à Tunis 30 ans plus loin et observe un changement radical, je me
dis que ce vent (c’est la signification en français de Finyè, Ndlr) ce vent ils
l’ont cautionné ici sans peut-être prendre conscience à ce moment-là. Le temps
arrive que ce changement qui est déterminant dans ce film là est celui du
continent tout entier.
Dans le documentaire du Cambodgien Rithy Panh à vous
consacré et que l’on a projeté ici dans le cadre de l’hommage, vous définissiez
déjà en 1991 le rôle du cinéaste africain. Pouvez-vous repréciser 20 ans plus
loin vos attentes par rapport à vos confrères du continent ?
J’attends tout simplement
que le cinéma soit l’appui de la révolution de demain. Parce que le rôle du cinéma
africain c’est d’aller au-delà, de faire des choses qui ne sont pas encore
exprimées dans le cinéma. Et je pense qu’on en est capables vu qu’on a des
hommes et des femmes pour ce faire. Moi j’ai débuté très laborieusement avec
des moyens techniques très réduits. Il faut recréer l’Afrique nouvelle, donner
ce sentiment que chaque fois qu’un film africain est projeté, qu’il attire des
foules, un peu comme l’ont réussi à faire nos musiciens sur la scène mondiale.
Le cinéma doit pouvoir faire de même. C’est même impératif pour les cinéastes
africains. Il faut qu’ils aillent au-delà de ce que nous avons fait, sinon ce
serait dommage.
Cela passe pour ainsi dire par une nouvelle façon de
montrer l’Afrique…
(Il coupe) Obligatoirement
Donc un regard sur l’Afrique par les Africains ?
Souleymane Cissé, Tunis, 11/012 |
J’ai peur de cette
terminologie car elle donne d’autres connotations et je n’ai me pas beaucoup
cela. Je souhaite simplement que d’autres Africains puissent faire des films à
même de permettre aux Africains de s’y reconnaître et d’en tirer profit.
Ici à Tunis vous avez présenté en avant première
mondiale votre dernier intitulé «Ô Sembène», un hommage au cinéaste sénégalais
d’heureuse mémoire. Pourquoi cela a-t-il mis tant de temps à sortir ?
Je dois même vous dire que
le film présenté n’est pas encore fini ! Il n’est pas encore mixé mais
comme les JCC tenaient à ce qu’il soit montré ici, on a pu le faire. Pour
revenir à votre question, ce film-là il est trop personnel. On peut y adhérer
ou non, mais il va permettre de savoir qui était l’homme cinéaste Sembène
Ousmane. Sur la durée, on a procédé au montage petit à petit. Je dois dire
qu’au début du tournage et alors que je filmais moi-même, je n’avais pas un
projet de film. Avec le temps, et en revoyant les images, je me suis convaincu
qu’il fallait faire un hommage à ce grand monsieur. C’est donc un film très
personnel.
Pour vous que représentait Ousmane Sembène ?
Il est pour moi un symbole,
c’est-à-dire quelqu’un qui a toujours cru en l’Afrique. C’était un visionnaire,
un pionnier. On peut ne pas aimer l’homme mais ses œuvres et son combat nous
mettent d’accord pour le respecter et lui donner toute sa place.
Quel regard portez-vous sur les JCC 2012 ?
Sincèrement, je pense que
les choses sont en train de se projeter, de se dessiner. Mais l’image
n’apparaît pas encore. Il y a certes un cafouillage mais nous en avons vu
d’autres. Il faut encourager les organisateurs qui ont souffert du manque de
moyens. On avait institué ce festival pour l’Afrique, mais il a basculé vers le
monde arabe. Ce qui n’est pas mauvais au demeurant sauf qu’il a diminué
l’intérêt de l’Afrique. Avec cette édition, je pense qu’un retour vers
l’Afrique est en marche et c’est le seul moyen pour les deux parties du continent
d’avancer ensemble. Et comme l’a dit le ministre tunisien de la Culture, un e
politique sud-sud est plus profitable au continent qu’une politique nord-sud.
Une question plus personnelle. De ces années de
formation à Moscou dans les années 60, que vous est-il resté ?
(Il tranche) La langue
russe.
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