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lundi 23 juillet 2012

Vive le métissage !


Littérature 

Un habitat collectif dans une rue malfamée de Montréal sert de cadre au récit de Lottin Wekapé sur la tolérance identitaire.
Il y a un peu plus de quatre ans et alors qu’il émigrait pour les Amériques, ceux qui avaient lu ses premières saillies chez L’Harmattan dans la collection Encres Noires avaient craint que ce départ ne soit l’hallali de sa créativité littéraire. Ce d’autant plus qu’il allait y rejoindre sa famille et poursuivre son activité principale d’enseignant de langue française. C’était visiblement un peu aller vite en besogne tout en ignorant que le changement d’atmosphère ne pouvait en aucun cas avoir gain de cause sur l’inspiration et la capacité d’adaptation de celui-là qui au fil des livraisons s’affirme comme l’un des narrateurs sur lequel il va falloir compter désormais.
Après donc ‘Chasse à l’étranger’, ‘Je ne sifflerai pas deux fois’ ou encore ‘Montréal mon amour’, voici ‘J’appartiens au monde’. Une fresque de la vie africaine à Montréal, cette destination rêvée pour nombre d’Africains, mais qui visiblement a du mal à recaser le trop plein de migrants qui s’y amoncelle au quotidien. Et pour bien évoquer la situation sans verser dans la flagornerie, Wekape a choisi une fillette d’une dizaine d’années pour nous faire vivre une ambiance que l’on peut situer aussi bien dans une capitale africaine, tant les histoires de chaque membre de la collectivité africaine ressemblent à s’y méprendre à ce qui se passe sur le continent berceau de l’humanité.
L’histoire est celle d’une brillante camerounaise qui débarque à Montréal pour y poursuivre ses études avant que sa naïveté ne lui joue des tours. Elle rencontre en effet un homme marié qui, l’instant de l’absence de son épouse, tombe sous le charme de sa bonne à mi-temps. Alors que Mlle Ngassam pensait avoir trouvé une épaule par moment difficile et un soutien dans cet univers qu’elle apprend à connaître, voilà que débarque l’épouse qui reprend son bien quand la voleuse de mari se retrouve à la rue, une grossesse sur les bras. Elle accouchera d’une petite fille intelligente qu’elle va commencer à détester. Car au fur et à mesure que la fille grandit, son sort à elle se détériore au point où elle échoue dans la déprime avant d’être à la fin du roman renvoyé dans son pays natal.
Au-delà du récit qui n’a rien d’original, c’est la qualité de la narration et l’art des rebondissements qu’il faut saluer chez Wekape. Son récit flirte parfois le polar avant de nous ramener dans les méandres de la vie difficile des émigrés. Où le bon (Slim) côtoie le moins bon (Rodriguez). Dans le roman, l’auteur prend également le parti de la diversité. En faisant de son héroïne une hybride qui réussit, il plaide en faveur d’une meilleure  considération et acceptation de l’étranger qui, loin des clichés et des stéréotypes est un être comme tout le monde. Il pose également par là la question de l’identité de ceux qui sont nés de la rencontre de plusieurs cultures au carrefour desquelles ils finissent par trouver leur voie, pour peu qu’on veuille simplement les laisser vivre en paix.
Avec l’issue heureuse de Lucifer-Espoir, l’auteur clame aussi une vérité qui dans sa culture d’origine continue d’avoir cours malgré les affres de la modernité et qui veut que l’enfant n’appartienne pas seulement à ses parents, mais à tout le village. A charge pour celui-ci de s’impliquer dans son évolution avec chacun sa sensibilité et son talent. Une vérité qui renvoie le lecteur où qu’il se trouve à questionner sa propre humanitude par ces temps où les valeurs de tolérance et de compréhension claudiquent sous les coups de boutoir d’un village global de plus en plus individualisé. Mais est-on seulement prêt à suivre cette voie ? Wekape lui ne demande que cela.
Lottin Wekape, J’appartiens au monde, France, L’Harmattan, 2012, 172 pages, 17 euros

lundi 16 juillet 2012

Sanzy Viany prépare un 2è album


En plein travail
Musique

La chanteuse après le succès d’Akouma veut butiner les chemins de la musique de la diaspora noire.
Qu’il semble loin  le temps où la jeune chanteuse de 25 ans arpentait les rédactions, son album à la main. Un album qui arrivait après quelques prestations ça et là sur des plateaux respectables, souvent en première partie de grosses pointures. Depuis cette fameuse année 2009 donc, la petite Sandrine Dzinguene brille d’un éclat qui a failli l’éblouir et qui lui a ouvert bien des portes dans son pays et à l’international.
Après la sortie d’«Akouma» donc sous le parrainage artistique de Queen Eteme, Viany, qui veut dire soleil en éton a vu le succès frappé à sa porte plus qu’elle ne l’imaginait elle-même. «J’ai reçu beaucoup d’amour de la part du public et des médias. Ce fût un soutien inimaginable !» se souvient-elle. A tel point qu’elle partie pendant de longs mois en 2010 pour des tournées à l’international d’où elle est revenue transformée. «Ces voyages m’ont donné une vision plus large ainsi qu’une plus grande visibilité».
Mais déjà, elle regarde l’avenir avec un deuxième album pour lequel elle ne veut rien dévoiler. Sauf peut-être pour dire qu’elle va y jouer de la guitare et surtout «rendre hommage à une ou deux icônes de notre culture encore vivantes car il ne sert à rien de la faire quand elles ont disparu». Pour l’instant donc, aucune date de sortie, encore moins sur quels rythmes elle va bercer ses mélomanes. Elle précise aussi que cet album sera plus ouvert avec «des influences de la musique noire parce que je veux être universelle». Ce qui ne veut pas dire qu’elle mettra de côté ces rythmes du pays éton qui l’ont portée.
En attendant, elle prépare un DVD composé de lives au Cameroun  et à l’étranger sur son premier opus ainsi qu’un site internet quand elle ne répond pas aux sollicitations qui s’amoncellent. En décembre dernier déjà, elle en a donné un aperçu de son nouvel art de la scène dans les jardins du Goethe Institut devant un public comblé.

mercredi 11 juillet 2012

André Manga : «Voyages» est un échange culturel


Le bassiste et auteur-compositeur s'explique ici sur les options de son récent album ainsi que sur les joies et les peines du métier.
 
«Voyages» que vous nous amenez des Etats-Unis où vous habitez semble à première vue le prolongement de «Mother Rythm» votre premier disque paru voici maintenant 13 ans. Pourquoi cela ?
Simplement parce qu’il s’agit d’un concept musical qui m’est propre et qui consiste à utiliser des rythmes du terroir et d’y assoir des musiques qui se digèrent à l’échelle mondiale. Cet album arrive malheureusement après un longue période parce que j’étais très occupé entre les tournées. Ce «Voyages» se veut néanmoins la continuation du premier qui est de mettre les rythmes camerounais en particulier sur une trajectoire mondiale.
Depuis votre arrivée, vous martelez que vous êtes en quête de standardisation de certains hits de la musique camerounaise. Qu’est-ce à dire ?
Dans des pays plus avancés comme les Etats-Unis, la musique est un patrimoine, c’est-à-dire qu’il s’y trouve des changements qui ont été opérés dans le temps par des musiciens qui avaient une vision. Je pense que nous pêcherions de ne pas exploiter ce qu’ils ont judicieusement concocté pour baliser le chemin musical de notre nation. Moi j’estime qu’une chanson qui a marqué une époque par son charme, son rythme, son message ou sa mélodie puisse être revisitée au lieu qu’à chaque fois on essaye de la mettre de côté pour en faire de nouvelles parfois de moindre qualité. C’est un peu comme avec des bâtiments qu’il faille renouveler au lieu de laisser en ruines. Il est pour moi question de permettre à ces chansons anciennes de regagner de l’intérêt, d’être réactualisées, et pas seulement dans les cabarets où elles sont souvent reléguées. Si je le fais et que d’autres en fassent autant, l’on commencera à voir émerger des standards parce qu’avec différents arrangements, on arrivera à écrire ces chansons là et à leur donner une chance d’avoir un avenir. C’est ce que j’ai fait avec par exemple le titre Kaélé de Archangelo de Moneko.
Parlant de Kaélé justement, il nous souvient que votre aîné Vincent Nguini s’y est également penché dans son dernier album intitulé «Douma» avec une lecture différente de celle que vous nous apportez aujourd’hui…
Oui Vincent Nguini fait partie de ces grand-frères qui ont compris la chose depuis longtemps. Des chansons comme «New York New York», elles sont interprétées par des centaines d’artistes. Qu’attendons-nous pour faire apprécier le travail qui a été fait par nos devanciers sur le sentier de la musique ? Qu’attendons-nous pour valoriser leur travail ? Eux qui ont travaillé et légué à la postérité un patrimoine de qualité ?
A l’écoute de cet album, l’on est frappé par le chant féminin. Cela rappelle un peu «Mother Rythm» avec des performances vocales de Kaïssa Doumbé dans le titre Manyaka pour ne parler que d’elle. Quelle est la ligne directrice de ce recours au chant féminin qui semble vous préoccuper tant ?
Cela est lié d’abord à la disponibilité des artistes pour un projet donné. La majorité de ceux qui sont souvent disponibles sont les chanteuses. Cela dit, la performance d’un Jacques Sango dans cet album n’est pas moindre. En intervenant tour à tour dans Sue la ndolo et jazziko, cela rééquilibre un peu la donne au niveau des voix. Mais j’aime par-dessus-tout la pluralité. Dans cet album, je suis resté compositeur et arrangeur, pas chanteur comme d’aucuns l’auraient voulu. Et quand je travaille sur un album, c’est en fonction des artistes que je vais inviter. Pour ce projet, je suis allé chercher Valérie Belinga qui a une voix magnifique et qui est pour moi parmi les cinq meilleures chanteuses mondiales. Je voulais aussi avoir Jacques Sango qui n’est pas connu du public camerounais alors qu’il travaille avec des sommités comme Quincy Jones et qui est intervenu avec brio sur le titre Sue la ndolo. J’ai aussi invité le chanteur américain du groupe anglais Loose End qui souhaitait expérimenter la musique camerounaise. Avec tous ces apports, c’est à une sorte d’échange culturel que je m’essaye dans mon option de faire aimer la musique camerounaise sur l’échiquier mondial.


L’autre chose qui frappe ici c’est, à la différence de vos compères Etienne Mbappé voire Vicky Edimo, c’est le jeu de basse qui s’efface subtilement pour laisser cours à d’autres instruments. Cette basse pourtant omniprésente ne noie pas les autres instruments, même si elle est plus prononcée par rapport à l’album «Mother Rythm».
Votre remarque est pertinente dans la mesure où effectivement, la basse est plus présente ici que dans le premier album. Musicalement, mon vœu était simplement de chanter avec ma basse. A l’arrivée, c’est plutôt un album homogène même si l’on peut constater sur le titre Tribology par exemple qu’il est question d’un dialogue entre Valérie Belinga et la basse ; ou encore que sur la reprise de Soul makossa, il s’agit d’un funky entre le chanteur américain et la basse ; alors que Jazziko c’est un solo de basse ou que Kaélé c’est une basse aiguë. La basse est donc omniprésente mais de manière calculée puisqu’elle doit se fondre dans la chanson et non la dominer.

Existe-t-il une explication à ce penchant esthétique ?
Oui. Je me définis avant tout comme musicien d’abord et seulement bassiste ensuite.
Cela me rappelle que vous êtes arrivé chez Manu Dibango par exemple comme keybordist et non bassiste.
Oui je suis multi-instrumentiste. Effectivement, c’est au cours d’un concert en compagnie de Manu en 1981 que celui-ci m’avait conseillé le piano. Je m’y suis mis vraiment au point de participer à des albums et à des tournées comme pianiste.
Comment s’est opérée votre rencontre avec Manu ?
C’est une longue histoire qui se décompose en quatre temps. Le premier eut lieu alors que j’avais 11 ans. J’avais fabriqué une guitare avec des morceaux de bois et du câble de frein qui ne me quittait pas et un jour que Manu était de passage dans mon quartier Nlongkak où il venait rendre visite à un de ses amis, je l’ai rencontré. Il m’a demandé si je voulais être musicien et j’ai dit oui et il m’a demandé de jouer quelque chose pour lui. J’ai donc joué Miss Cavacha l’un de ses hits de l’époque qu’il a apprécié bien que j’étais loin du compte. Quelques années plus tard, la 2è rencontre eût lieu à l’Orchestre national. Un midi et alors que je travaillais en solo avec la guitare basse, il est arrivé avec son complice Francis Kinguè et m’a dit tout de go : «je voudrais que tu viennes jouer avec moi au Club Manu» qui se trouvait a bâtiment du CNR. J’ai répondu par la négative car je ne me sentais pas prêt. Il a alors eu comme un flash et s’est spontanément souvenu de notre première rencontre et a fini par me convaincre de rejoindre son groupe. Ce que j’ai fait et cela m’a donné l’occasion de voyager à l’étranger. Après la fermeture de son club, il m’a emmené avec lui à Douala au «Harrys Bar» avant de repartir pour l’Europe. Dans l’espace, moi aussi j'ai migré pour la France en passant par le Gabon. Je le retrouve à Paris et il m’invite chez lui où il me reçoit avec gentillesse et sans protocole. Il m’invite à nouveau à le rejoindre, cette fois-ci comme 2è pianiste du «Soul Makossa Gang» où Justin Bowen jouait déjà au piano. Au bout d’un an et à la faveur du départ du bassiste Armand Saball Leco, je deviens donc le bassiste attitré du groupe et après le départ de Justin Bowen, je deviens chef d’orchestre.
Qu’avez-vous retenu des huit années passées à côté de lui ?
C’est la plateforme sur laquelle je me repose comme musicien ; c’est mon école de musique. J’ai appris chez Manu non seulement comment bien jouer, mais aussi comment manager, gérer un groupe. Chez Manu, les choses étaient bien faites ou pas du tout. C’était le culte de l’excellence dans le travail artistique. C’est là-bas que j’ai appris à être musicien plutôt que simple instrumentiste. Et la différence est énorme quand on y pense. Il a toujours aimé s’entourer de bons musiciens, c’est-à-dire des gens capables de se projeter, de construire quelque chose sur la durée et qui ne se cantonnent pas simplement à leur instrument.

«Mother Rythm» reposait sur Dumazz votre groupe que l’on ne voit guère dans «Voyages». Que s’est-il passé ?
Dumazz qui veut dire mélange entre le baobab (Duma) et le jazz était l’idée que j’avais à la base. Mais maintenir un groupe comme celui-là était difficile sur la durée aux États-Unis du fait que ses membres étaient très demandés sur le marché international de la musique. Il était donc plus judicieux pour moi de mettre mon nom en avant et d’inviter les autres par la suite et suivant leur disponibilité. Ainsi, il était plus facile de rassembler les membres autour de moi quand l’occasion se faisait sentir.
Le métissage qui est le vôtre de par vos origines transparaît dans votre création. Est-ce voulu ou simplement un hasard ?
C’est bien entendu un effet voulu. C’est-à-dire que la constance chez moi soit que toute ma musique se base sur les rythmes du Cameroun. Autant je me veux musicien et pas seulement instrumentiste, autant je me veux Camerounais d’abord au lieu de Yaoundéen ou d’un gars Douala. Toutes les musiques camerounaises nous sont propres et je me sens investi du devoir patriotique de tous les exploiter. La différence se fait si l’on arrive à être homogène dans tout ce que l’on fait ; c’est cela qui aboutit par exemple à ce que dans mon nouvel album, je passe aisément de l’ékang des Eton (Tribology) à l’assiko des Bassas (Jazziko). La seule question qui vaille alors la peine de mon point de vue est celle-ci : est-ce que en faisant cela je perds quelque chose musicalement ? Ce que je ne veux point faire c’est de penser que comme je suis de Yaoundé ou de Douala, je m’arrête aux musiques de ces contrées-là alors même que mon pays regorge de plusieurs rythmes et sonorités musicales de bonne facture. Et ce travail-là est perceptible depuis «Mother Rythm» qui comprenait des musiques bakas, bassas, doualas, bétis car tout cela constitue une richesse inestimable. N’oubliez pas que nous sommes un pays d’une richesse culturelle insolente et ce serait un péché de se cantonner à un seul rythme.
Aujourd’hui, lorsque l’on voit ce que vous avez accompli artistiquement, on a du mal à imaginer que vous êtes parti de très loin et avez bravé la fureur de vos parents médecins qui ne voyaient pas d’un bon œil votre envie de faire de la musique. Comment vos parents vous ont-ils laissé faire de la musique ?
(Il rit avant de couper) Ils ne m’ont pas laissé faire de la musique. Ce fût difficile parce que j’ai dû me faire violence à un moment donné en faisant –et je ne le conseille pas aux jeunes- l’école buissonnière à un moment donné. Mes parents m’ont sorti de Yaoundé pour aller m’inscrire dans un internat à Obala. Cela a failli leur réussir jusqu’au jour où le chef de mon établissement a décidé de la création d’un orchestre scolaire. Cela a réveillé l’envie de la musique en moi d’autant plus que faire de la musique bouillonnait en moi. Un jour et ayant été absent de longs mois, le proviseur a écrit à ma mère. Et lorsque le weekend suivant je me suis pointé à la maison en prétendant venir de l’école, ma mère m’attendait de pied ferme et le pot aux roses a été découvert. Je me suis donc confessé en faisant savoir que seule la musique me faisait vibrer. Ce fût un moment difficile, très difficile même.
Vous les avez alors convaincu vos parents ?
Oui. Parce que plus tard lorsque j’ai fait venir ma mère en France pour des soins avec de l’argent gagné dans la musique, elle a compris.
D’où vous vient le virus de la musique ? Est-ce par un parent ?
Quand on a des enfants, l’on n’oublie que l’ADN qu’on leur passe comprend plusieurs variantes de ce que l’on est soi-même. Mon père était certes médecin, mais il était aussi musicien puisqu’il jouait à la guitare ; il était également propriétaire d’un bar avant même que je ne vienne au monde ! Dans ma famille paternelle à Douala, il y a un frère trompettiste. Et quand le gêne de la musique a pris le dessus chez moi, mes parents ont voulu le combattre. Sauf que ces choses-là ne se combattent pas ! Ma dernière fille par exemple est à fond dans la musique et je l’ai encouragée en l’inscrivant au cours de piano.
Dans son discours d’investiture en novembre dernier, le président Paul Biya a invité la diaspora à rentrer au bercail mettre son expertise en valeur dans la construction de la nation. Avez-vous été interpellé par cet appel ? Envisagez-vous un retour définitif au bercail ?
Cela est un peu difficile pour moi. Là pour le moment, la diaspora est très mal analysée par la nation ici. Très souvent lorsque l’on parle diaspora ici, l’on pense à Paris et à la France alors que la diaspora est plus vaste que cela. C’est rarement que nous les artistes qui sommes aux Etats-Unis sont appelés alors que nous n’en sommes pas moins Camerounais ! Moi par exemple, je me considère comme un ambassadeur de la musique camerounaise vu que j’ai gardé mon passeport camerounais. Quand j’entends le chef de l’Etat lancer cet appel-là, je le comprends mais j’attends que cela prenne forme. Et quand les choses seront bien en place, j’aviserai. Parce que revenir ne veut pas dire grand-chose pour l’instant vu que les gens ont du mal à reconnaître même ce que je fais. Musicalement, la diaspora a tant à dire surtout en direction de la jeune garde artistique qui, faute de pouvoir venir nous voir en Amérique, peuvent nous accueillir ici. Mais avant tout, il faut un cadre de qualité pouvant permettre cela. J’ai entendu avant le remaniement récent des voix évoquer un ministère en charge de la diaspora qui n’a finalement pas été au rendez-vous. En ce moment-là, comment nous allons faire pour transmettre à la jeunesse tout ce que nous avons, tout ce que nous possédons en l’absence de ce cadre-là ? C’est triste de voir que je suis traité comme un roi à l’étranger, chez les autres, et que chez moi, je passe incognito. Pour y faire face, j’ai décidé, avec d’autres bien sûr, de ne pas baisser les bras et de continuer à faire des albums de haute facture.

Il y a un moment important de votre parcours que je m’en voudrais de ne pas évoquer ici : c’est la rencontre avec Paul Simon dans le cadre du projet magnifique «Spirit of the Saints» au début des années 90. Qu’avez-vous gardé de cette rencontre ?
C’était la première fois que je rencontrais un grand artiste américain et ce qui m’a frappé chez lui fût sa simplicité. Ecoutez plutôt cette anecdote : quand j’arrive au studio d’enregistrement lors de notre première rencontre, je croise un homme avec un Tee shirt assis à l’entrée. Je lui demande où était le studio et il m’a orienté. A l’intérieur, je croise Vincent Nguini qui me demande si j’ai rencontré Paul Simon. Je lui réponds par la négative en lui disant que j’ai croisé un assistant de technicien à l’entrée. Nous ressortons ensemble et là il me présente le monsieur de tout à l’heure en me disant que c’est lui Paul Simon. J’ai failli pisser dans mon froc. J’ai ainsi appris que la grandeur se veut simple. Ce fût une belle expérience parce que c’était la première fois où l’on se retrouvait entre camerounais dans le cadre d’un projet de ce type pour un échange interculturel avec un étranger qui s’intéressait à nos rythmes. De faire partie de cette élite, de côtoyer les Georges Séba, Vincent Nguini, Saball Leco, Justin Bowen… était pour moi quelque chose de grand et une belle expérience une fois de plus.
Pour vous musiciens de la diaspora, vous-est-il venu à l’idée de monter un projet d’album commun ? Peut-être que cela pourrait aider à mieux vous faire connaître au bercail !
Vincent Nguini et moi avons réfléchi sur quelques projets qui tardent à prendre forme. J’avoue que nous de la diaspora pêchons à ce niveau-là. Nous devons de temps en temps faire des projets comme ceux que vous évoquez pour montrer que nous sommes ensemble vu que beaucoup pensent que nous sommes dispersés. Avoir un projet commun serait véritablement une bonne chose pour tout le monde.
On imagine que cela ne va pas être facile !
Je ne vous le fais pas dire. Voyez simplement qu’entre Los Angeles et New York, la distance est énorme et là on n’est qu’aux Etats-Unis ! Mais cela n’est pas insurmontable, surtout avec les progrès technologiques. Il suffit de lancer l’idée et le reste devrait suivre.
Parlant de technologie, l’on n’a pas beaucoup senti les programmations dans «Voyages» alors même que vous vivez dans un environnement qui s’y prête ?
Personnellement, j’aime ce qui est organique quand je fais de la musique. Il n’y a pas de chaleur dans une boîte à rythmes ou dans un séquenceur. La chaleur se trouve dans l’esprit des instrumentistes et les voix naturelles.
Entretien avec Parfait Tabapsi

lundi 9 juillet 2012

Serge Hivert: Rendre hommage aux artistes


Dans la vie ordinaire, il est enseignant. Mais sa passion pour le spectacle vivant l’amène à fréquenter les scènes de Yaoundé. Où il s’adonne à sa passion de la photo pour le plus grand bonheur du public qui n’a pas caché sa joie en découvrant «Sous la lumière», l’expo qu’il vient de présenter à l’espace culturel OTHNI. Sur ses motivations et les perspectives suscitées par ce travail, voici ce qu’il en dit.

Vous avez durant le mois de juin 2012 exposé des photos de spectacles présentés à Yaoundé sous le concept «Sous la lumière» à l’espace culturel OTHNI. Quelles raisons vous ont poussées à monter cette expo ?
La principale raison d’être de cette expo était pour moi de rendre hommage aux différents artistes (comédiens, danseurs, metteurs en scène…) ainsi que les techniciens (éclairagistes, ingénieurs de son…) qui travaillent sur des projets de spectacles vivants. Cela parce que je vois beaucoup de spectacles de qualité ici ainsi que des personnes du spectacle qui déploient une énergie incroyable pour monter des projets qui ne rencontreront le public qu’une fois ou deux, et ce souvent dans des salles à moitié vide. Je déplore que le spectacle vivant ici au Cameroun ne rassemble pas plus de gens, qu’il n’y ait pas tant de relais que ça au niveau des médias même si je reconnais par ailleurs le travail de Mosaïques pour faire passer le message important qui est que le spectacle est indispensable dans toute société.
Quelle a été la réceptivité de cette expo ?
Plutôt bonne je dirais ! Il y avait ceux qui étaient aux spectacles que j’ai filmés et qui étaient très contents de retrouver des images desdits spectacles finalement éphémères, parce que lorsqu’on voit un spectacle une fois, il y a des bons moments et quand on en revoit des images, l’émotion est toujours là. Il y avait une autre catégorie de visiteurs qui n’avaient pas vu les spectacles et les photos leur ont donné envie de les voir. Et enfin il y a tous les artistes qui se sont vus, ce qui n’est pas souvent le cas pour eux qui après un spectacle ont rarement l’occasion de revoir leur prestation. C’était alors l’occasion pour eux d’avoir un regard sur leur prestation artistique sur scène et ils étaient plutôt contents. Il y a eu aussi des critiques très intéressantes, notamment sur le lieu de l’expo qui est la salle voisine de celle qui reçoit les spectacles à l’OTHNI. Ils ont découvert qu’avec peu de moyen et un peu de créativité, on pouvait rendre cet espace là vivant par des expositions.
Cette expo avait une dimension humanitaire derrière. Comment cela s’est-il opéré et quelle en était la raison ?
Je ne sais s’il faut appeler cela action humanitaire. Toujours est-il que pour moi il était question de témoigner mon admiration à l’égard de tous ces acteurs du spectacle vivant. Je les côtoie beaucoup et il y a des espaces que j’aime beaucoup comme l’OTHNI qui a accepté cette expo. Comme ce lieu m’accueillait, c’était pour moi normal de contribuer à lui reverser une partie des bénéfices de cette expo ainsi qu’aux compagnies dont j’ai filmé les spectacles sans oublier notre association Trait d’union.
Allez-vous continuer à faire d’autres expositions calquées sur le même modèle ?
Ce qui s’est passé me motive énormément. Il y a beaucoup d’amis de la scène artistique qui m’encouragent à le faire. J’ai toujours des photos disponibles mais à quel rythme puis-je les montrer au public, je ne sais vraiment pas. Les gens du monde du spectacle ont trouvé l’initiative plutôt heureuse, eux qui estimaient qu’il y avait eu jusque là ici très peu de photos de spectacles.
Peut-être que vous pourriez également faire un livre avec votre banque de photos ?
(Rires). C’est une bonne idée à condition de trouver les moyens pour le faire. Le metteur en scène Martin Ambara m’a d’ailleurs avoué que c’était en effet un bon début pour une banque d’images sur les spectacles au Cameroun. Si un jour on me demande de réaliser quelque chose autour du spectacle vivant au Cameroun, je le ferai volontiers.