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jeudi 29 novembre 2012

Musique : Calypso Rose d’Afrique

Spécial JCC
La chanteuse trinidadienne a été magnifiquement filmé par une réalisatrice camerounaise dans un joli documentaire qui retrace son parcours.
Pascale Obolo, la réalisatrice camerounaise
Le public tunisois ne s’y est pas trompé; surtout la gent féminine, elle qui à la fin de la projection n’a pas manqué de venir échanger quelques mots avec la cinéaste camerounaise installée à Paris. Et il y a de quoi au vu du sujet traité dans ce documentaire d’une rare beauté. Oui pour les Tunisoises, cela leur a fait quelque chose de voir qu’une femme a combattu le masochisme pour s’imposer non seulement dans son pays, mais également sur la planète entière. Et cela par son seul courage et sa seule volonté sur lesquels elle a reposé un don et un talent pour le moins indéniables.
En suivant la reine du calypso, ce rythme venu de Trinidad et Tobago, Pascale Obolo a fait œuvre utile. Elle a permis ainsi aux femmes de prendre confiance en elles. Surtout avec cette joie de vivre contagieuse qui caractérise son héroïne. Une dame qui a souffert dans sa chair le martyre de son envie de briser la glace très masculine du monde du calypso, avec une détermination toute particulière et un engagement inhabituel. Et si elle vit aujourd’hui aux Etats-Unis, elle ne manque point l’occasion de retourner dans son île natale. Où elle est reçue avec respect, honneur et admiration par ses concitoyens ainsi que ses successeuses dans le groove qui voient en elle une prêtresse sur qui se reposer par temps difficile.
S’agissant de l’esthétique, il n’a pas échappé au spectateur que la réalisatrice vient des arts plastiques et du monde du hip hop. Son montage, ou plutôt son collage est en effet calqué sur une superposition de fresques, comme si la vie de son héroïne n’était qu’une palette à plusieurs puzzles. C’est original et intéressant. Surtout que cela contribue à garder le spectateur en éveil. Le documentaire permet aussi de mesurer la place des racines dans la diaspora. L’envie de McArtha Lewis –c’est le véritable nom de Calypso Rose- de revenir à tout prix sur la terre d’origine de ses aïeux où elle retrouve des senteurs et un parfum qui lui rappellent ses rêves constitue un moment fort du film.
L'affiche du film.
Avec ce projet aussi, la Camerounaise a démontré également que hors des guichets français et francophones, un salut était possible pour les artistes d’Afrique. Ce qui, il faut le souligner, n’est pas une moindre victoire. Surtout qu’en plus de financer la production du film, le gouvernement trinidadien s’est investi dans sa promotion comme on a pu le voir avec le stand très animé qu’il a ouvert à Cannes pendant le festival éponyme en maiu dernier. Vivement le prochain pour Pacale Obolo qui mijote déjà d’autres projets.

Calypso Rose: The Lioness of the Jungle de Pascale Obolo, Maturity Productions (Trinidad & Tobago) / Trinidad & Tobago Film Company / Traces Tropical, 2011, 52 et 85 min.

dimanche 25 novembre 2012

La jeunesse marocaine en tribulations

Spécial JCC, Tunis
Avec «Mort à vendre», le Marocain Faouzi Bensaïdi tire la sonnette d’alarme sur la situation de la jeunesse de son pays.
L’amitié et l’amour, voilà deux sentiments à souhaiter à tous en temps normal. Sauf qu’à Tétouan, une ville marocaine, mêler les deux chez les jeunes peut provoquer une explosion. C’est en tout cas ce qui ressort du long métrage «Mort à vendre» qui vient d’être primé à Tunis –Tanit d’argent- dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage.
Un film qui nous plonge dans le quotidien de trois jeunes ados que la vie n’a pas particulièrement gâté. Si l’un a fait des études jusqu’au bac, les deux autres ne vivent que par le banditisme de rue ou le vol à la tire, résignés en quelque sorte par une conjoncture pour le moins difficile à leur égard ; eux qui pourtant ne demandent qu’à avoir une place dans une société qui visiblement n’a pas besoin d’eux ou ne leur offre presque rien.
Si au moins ils pouvaient ne s’en tenir qu’à cela ! S’ajoute pour Malik le bachelier une sorte d’amour quasi-impossible aux yeux de ses amis. Et pour cause, il s’entiche d’une pute qui le restera malgré tout l’amour de son prince qui se dépense sans compter au propre comme au figuré pour la sortir du pétrin qui a amené sa dulcinée jusque dans les geôles du commissariat de cette cité portuaire. Dans sa narration, Faouzi Bensaïdi réussit à montrer la dureté d’une cité portuaire sur sa jeunesse. Le plus sera sans doute cet art du suspense qu’il réussit à garder jusqu’au bout, faisant de l’avant-dernière scène, celle où Dounia trahit son amoureux, un must significatif d’un talent certain.
Un art du suspense qu’il faille cependant relativiser avec ces costumes qui ne changent guère au fil du film. Surtout pour Malik, contrairement à ses deux acolytes Allal et Soufiane. On en vient à se demander pourquoi. La leçon principale restera qu’à vouloir profiter des biens des autres, on finit par y laisser sa peau. Aussi, Bensaïdi semble condamner le fondamentalisme musulman qui a poussé l’un de ses héros vers la violence gratuite. Un film à rebondissement donc mais bien maîtrisé et révélateur du dilemme de la jeunesse marocaine. Un film aussi qui sonne comme un appel à des politiques d’encadrement de cette jeunesse sur laquelle repose l’avenir du Maroc.
Mort à vendre de Faouzi Bensaïdi ; avec Fehd Benchemsi, Fouad Labiad, Mouchcine Malzi, Imane El Mechrafi ; produit par Entre chien et loup, 2011, 117 min.

La pirogue à clichés de Moussa Touré

Spécial JCC, Tunis
Avec ce long métrage, le Sénégalais renforce l’image d’une Afrique misérable qui rêve d’Occident.
L’émigration du Sud vers le Nord, voilà une thématique que bien d’auteurs africains dans divers genres ont éculé ces 20 dernières années. Surtout depuis les lois très dures de Pasqua et Debré en France. Une thématique devenue phénomène, mais dont l’importance n’a d’égal que la volonté du Nord à faire croire qu’elle lui est préjudiciable alors même que les chiffres démontrent que la majorité des migrants africains se dirigent en premier lieu vers d’autres pays du continent.
Avec «La pirogue», le Sénégalais Moussa Touré embouche cette trompette-là. Pour une servir un film qui renforce les clichés sur l’Afrique. Un continent misérable dont la jeunesse n’aspire et ne jure que par l’Europe où elle entrevoit le paradis. Même la crise économique qui y sévit actuellement est loin de les décourager tant chacun construit des rêves et ses espoirs sur ce continent qui dans son imaginaire épouse toutes les vertus. C’est ainsi que le capitaine de cette pirogue finalement symbolique ne résiste pas bien longtemps à l’envie de faire comme les siens et de construire ainsi des plans de réussite sur la comète Europe.
Peut alors commencer un voyage que le spectateur sait périlleux du fait de l’embarcation de fortune. De ce côté-là, il n’y aura guère de suspense. Le cinéaste réalisant cependant la prouesse de bien filmer la tempête prévisible tout en mettant en exergue de manière plus qu’intéressante la tension entre les membres de l’équipage et les passagers. La même camera nous montrera aussi la résignation du groupe devant la soudaineté du danger. Danger qui confinera in fine à la mort d’une partie des voyageurs, soulevant chez le spectateur la pitié, voire la sympathie pour cette chair fraîche et jeûne livrée en pâture à une volonté de fer de s’en aller voir ailleurs.
Bien sûr qu’au passage on maudira les gouvernants des pays africains coupables de ne pouvoir construire un avenir pour leur jeunesse. Soit ! Mais le plus grave c’est que cette Afrique qui migre n’est pas la plus intelligente, la mieux formée ou la mieux préparée. A la différence de colons européens par exemple qui dans leur exode vers le nouveau monde avait l’assentiment si ce n’est le soutien de leurs dirigeants. Comme on le voit d’ailleurs ces dernières années en Angola et au Mozambique avec les Portugais. Et du coup on a envie de demander à Touré s’il ne lui était pas possible de reconstituer la trajectoire de ces jeunes qui ont réussi à aller capter le feu de la connaissance et du savoir occidental pour illuminer le monde. Chut, de cela il ne saurait en être question dans un film écrit et financé par le Nord pour la finalité que l’on sait.
La pirogue de Moussa Touré, avec Souleymane Seye Ndiaye, Laïti Fall, Malamine Dramé ; scénario de Eric Névé et David Bouchet ; produit par Les chauves souris et Astou films ; 87 min, 2012.

vendredi 23 novembre 2012

Dieudonné Niangouna:Avignon ce sera un témoin très important

Le Cameroun, il ne le connaît que trop bien. Quand il n’y est pas en tournée comme en ce moment, il y est en résidence ou est joué par les compagnies locales. Depuis une dizaine d’années en effet, son ombre traverse la scène camerounaise avec bonheur. De passage pour la représentation de «La dernière interview» en hommage à Jean Genet, il parle de ce pays où il a été édité pour la première fois («Carré blanc suivi de Pisser n’est pas jouer, Interlignes, 2004) et du projet de sa vie qu’il exposera à Avignon l’année prochaine. 

Dans la cafette de l'IFC de Yaoundé avant le spectacle.
Vous êtes au Cameroun pour la énième fois et l’on se demande ce que ce pays représente pour vous ?
C’est un pays qui a un grand potentiel artistique dans la sous-région et aussi en Afrique avec toutes les composantes qu’il forme. J’ai toujours eu une fascination incroyable pour l’énergie débordante de cet endroit-ci à travers les festivals de théâtre, musique et autres. Je suis également fasciné par la dimension de l’écriture. Le Cameroun est un endroit où le théâtre a une force vitale et qui très lié à différents corps de métiers qu’il compose. Quand on rencontre le théâtre au Cameroun, on est en plein dans une vie, une vie qui est très forte. C’est rare de trouver cela en Afrique où en général les formes de  théâtre sont assez aseptisées, où l’on retrouve assez généralement ce que j’appelle le bateau. Par bateau il faut entendre cette affaire qui est venue chez nous aux environs du 14è ou 15è siècle avec les colons et qui a amené avec lui une sorte de théâtre pseudo-classique très ennuyeux, très stérile. Mais ce n’est point cela, Dieu merci, que l’on trouve au Cameroun. C’est plutôt la magie que les pionniers de ce théâtre ainsi que les jeunes de maintenant ont eu pour donner une énergie camerounaise et africaine ainsi qu'une dimension contemporaine à la palette. C’est quelque chose de très fort. Quand je me retrouve ici au Cameroun, je suis en famille ; famille artistique et famille humaine. Je connais plus de gens ici qu’ailleurs au monde ; je connais plus d’artistes ici qu’ailleurs ; il y a ici plus d’artistes qu’ailleurs qui me connaissent. C’est donc un peu particulier pour moi d’être ici. C’est comme si j’ouvrais la porte pour entrer chez moi.

Vous êtes donc là pour un nouveau spectacle après celui de l’année dernière, "Les inepties volantes". Ce spectacle-ci a pour titre «La dernière interview» qui revient sur le personnage de Jean Genet. Quel lien entretenez-vous avec cet auteur français pour le moins iconoclaste ?
Le premier lien c’est l’amour de l’écriture, la passion de la langue, la transgression que l’on utilise dans la langue pour communiquer, comment on est à un endroit de transgression et d’insoumission d’un certain nombre de convenances et de conventions juste pour interroger la matière afin qu’elle devienne plus riche que le simple canevas didactique auquel on veut l’imposer. C’est un endroit que je partage beaucoup avec Genet. Il y aussi une dimension politique qui interroge la société française. Il a par exemple défendu les Black Panthers aux États-Unis, il a pris le partie des Algériens lors de la guerre avec les Français, il a défendu les Palestiniens après le fameux massacre de Sabra et Chatilla, etc. Du coup c’est quelque chose d’important quand on se réfère à lui, même si c’est un peu orgueilleux de le dire. C’est un point de mire sur les questions qui intéressent nos sociétés aujourd’hui.  C’est ce qui m’a mis en accord avec ce turbulent, tempétueux et impétueux Jean Genet.

L’insubmersible Souleymane Cissé


Le réalisateur malien était au centre d’une cérémonie de reconnaissance le 21 novembre dernier à Tunis.

Peu avant son départ de Carthage.
Souleymane Cissé n’est pas homme à se laisser marcher sur les pieds, encore moins à faire des compromis. Surtout lorsqu’il est question du cinéma en Afrique. Ce continent-risée de bien de cinéastes du Nord qui n’ont eu de cesse de le présenter sous son mauvais jour sans qu’il ne se trouve grand monde pour leur donner la réplique et ainsi sauver l’essentiel qui est que l’Africain est un être humain tout simplement, et pas un sous-homme ou que sais-je encore.
Lors de l’hommage que les Journées cinématographiques de Carthage ont tenu à lui rendre le 20 décembre dernier à Tunis, il n’y eut pas mieux que le documentaire que le Cambodgien lui a consacré en 1991, en pleine révolution populaire à Bamako. Une œuvre de haute portée dans laquelle le cinéaste malien exprime son postulat pour le 7è art et la place qui devrait être la sienne dans le cinéma mondial.

Stoïcisme saga

spécial JCC


Avec Tey, le réalisateur sénégalais Alain Gomis questionne le rapport humain au destin.

 Vous, que ferez-vous si d’aventure il vous était annoncé qu’il ne vous reste plus qu’une journée à vivre ? Songerez-vous à régler quelque compte à vos ennemis ou sombrerez-vous dans une ultime beuverie avec des copains, histoire de partir sans regret vers le royaume des ombres ? Pour le réalisateur sénégalais Alain Gomis, foin de tout cela. C’est même du côté du stoïcisme comme l’a dépeint Alfred de Vigny dans son magnifique texte ‘La mort du loup’ –in «Les destinées»- qu’il faut aller chercher l’orientation de ce «Tey» qui transporte le spectateur dans une sorte d’effroi mêlé à de la stupeur.
Alain Gomis en effet a pris le parti dans ce film poignant de questionner le sens de l’existence humaine. Ce en alignant des plans serrés qui transportent le spectateur dans la tête de son héros. Un héros qui ne se laisse pas abattre par son funeste sort, mais qui en profite plutôt, au point de donner l’impression d’en jouer, pour voir sous un jour nouveau la vie autour de lui. Le Satché – c’est le nom du héros- qui traverse le film est magistral dans son jeu ; tout comme l’est également le directeur photo avec des images à la fois simples, bien cadrées et profondes dans leur signification.
Si la thématique est forcément philosophique, il reste que le jeu des acteurs, les décors ainsi que la narration paraissent à tout le moins simple. Avec toutefois cette impression d’ensemble que tout cela transporte le spectateur dans cette intrigue bien ficelée et bien présentée. Pour d’avantage attirer la sympathie sur son personnage, Alain Gomis recourt à des flash back heureux qui permettent de se demander pourquoi c’est un jeune homme bien portant, plein de vie, père de famille sans histoire, quoiqu’un peu infidèle, que le destin décide de condamner. Une question existentielle qui ramène à se demander quel sens il faut donner à sa vie. Faudrait-il vivre comme si chaque instant était le dernier ? Ou alors faut-il s’inscrire sur le long terme avec des étapes préparées à l’avance ? Un dilemme que le film n’aide pas à résoudre complètement, mais qui permet au spectateur de mieux relativiser son existence et de mieux considérer l’autre. Oui Gomis semble nous dire que quoi qu’on puisse en penser, l’autre ce n’est point l’enfer.
Tey d’Alain Gomis, avec Saul Williams, Djolof Mbengue, Anisia Uzeyman, Aïssa Maïga, 86', 2012