Depuis un an, son
promoteur André Feze se démène comme un beau diable pour contribuer à la
diffusion artistique. Visite guidée d’un espace qui commence à faire parler de
lui.
Convoqué
par le téléphone arabe, le public a répondu. En nombre et avec ferveur ce
samedi 13 juillet 2013. Un public qui a pour ainsi dire envahi la terrasse
arrière de l’espace culturel et de loisirs dénommé FIAA au quartier Nsimeyong à
Yaoundé. Public qui n’a pas boudé son plaisir toute la soirée durant, servi
qu’il était par une joyeuse troupe de slameurs avec un lieutenant comme on n’en
trouve pas souvent dans le milieu : la jeune Lydol. Une jeune étudiante
qui a pris date à travers une prestation qui a convoqué en même temps la
déclamation mesurée de ses propres textes, le chant et l’action. Le tout dans
une mise en scène et une scénographie pour laquelle son mentor, le poète et
scénographe Fleury Ngameleu, aura été plus qu’un recours utile. Pour une
première, ce fût donc un succès pour Lydol dont le père présent ne doit pas être
peu fier. Une Lydol qui pour l’occasion avait invité ses potes du Ongola Slam
Café qui, pour ceux qui ne les connaissaient pas, ont fait montre d’une
maîtrise certaine dans l’écriture poétique ainsi qu’une prestation scénique qui
exprimait la gravité des thématiques explorées comme l’amour, la galère,
l’unité africaine, etc. Une jeunesse décidée à conjurer l’abandon dont elle est
l’objet de la part des gestionnaires de la chose publique et qu’un aîné dans le
milieu en la personne de Sadrack du groupe de rap Négrissim est venu conforter
à travers une prestation remarquée.
Ce
spectacle, loin d’être une première pour cet espace, entre en droite ligne de
l’esprit du centre culturel FIAA. Un mot qui dans les langues de l’Ouest
Cameroun exprime la joie, le jeu, le plaisir. Pour le promoteur André Feze, le
centre n’est pas seulement cela. «Au-delà de cette signification littérale et
somme tout appropriée cependant, il faut comprendre que notre volonté en
ouvrant cet espace au public est de lui permettre de donner sens et corps à sa
passion dans le domaine des arts. Car on ne s’amuse pas par hasard, on ne
choisit pas un loisir pour rien. Je reste convaincu qu’on choisit un loisir par
passion et avec liberté. Dans le jeu, il n’y a d’ailleurs pas de limite». On ne
vient donc pas à FIAA comme si l’on allait à une promenade. Il n’est pas
question ici de jouer simplement avec des objets, «il y a aussi l’idée qu’on
peut au terme du jeu rendre concret et visible pour soi et les autres sa
passion», poursuit Feze. Une façon pour lui de faire comprendre que son espace
se veut le creuset de la créativité inhérente en chacun de nous.
Un
esprit qui fait son bonhomme de chemin depuis l’ouverture voici un an
exactement. Ouverture qui avait vu la contribution de plasticiens issus de
l’Institut de formation artistique de Mbalmayo (IFA). A l’occasion, Feze avait
d’ailleurs insisté sur ce que FIAA était dédié à la création et à la diffusion.
Un an plus loin, ce n’est guère le temps du bilan. Mais déjà, il sait qu’il est
dans le vrai de son idée et ne demande qu’à aller de l’avant. Car en 12 mois,
le centre a montré sa multifonctionnalité pour nombre d’activités charriées par
l’art à Yaoundé. Et le concert de samedi 13 juillet pourrait être considéré
comme allant dans ce sens-là. Car sur cette terrasse, les arts du spectacle
peuvent s’exprimer (concert de musique, pièce de théâtre, humour, spectacles de
conte, etc.), avec une capacité de 130 personnes assises dans un espace
couvert. Et si le besoin se fait sentir, l’espace qui comprend une scène peut
accueillir une trentaine de personnes supplémentaires dans une configuration où
elles seront debout. Cet espace comprend en arrière fond un bar qui indique
bien qu’en dehors des spectacles, des activités ludiques peuvent y être
exécutées sans anicroche. Le promoteur et son équipe réfléchissent actuellement
à comment en faire un espace de restauration rapide aussi. Ce qui pourrait
donner naissance à des «soirées gastronomiques spéciales» qui permettront
d’exposer le savoir-faire culinaire camerounais dans toute sa diversité et sa
luxuriance.
Bob Marley and Co
Mais
avant d’arriver à cette terrasse, le visiteur passe à côté de la «salle Bob
Marley», initialement prévue pour être le garage de cette maison d’habitation.
Une salle d’une capacité de 50 places assises qui sert aussi à des projections
cinématographiques et où un ciné club a pris ses quartiers depuis un mois grâce
au partenariat avec les centres culturels étrangers qui prêtent volontiers des
films. L’espace sert également pour de petits spectacles comme les One man show
ou la musique acoustique. Et pourquoi Marley ? «Parce qu’il a hissé les
rythmes de chez lui au pinacle. Mais aussi parce qu’au rang de nombre de choses
qu’il a dites, il y a ceci : Deliver yourself from mental slavery (se
délivrer de la l’esclavage mental, Ndlr)». Un extrait du fameux thème
‘Redemption song’ du reggae man le plus célèbre.
Contigüe
à cette salle se trouve une autre qui occupe les trois quarts du rez-de-chaussée
de cet immeuble d’un étage. Une salle qui sert de galerie pour plasticiens en
quête d’espace de visibilité. Sur les murs, on peut d’ailleurs apercevoir les
travaux de Salifou Lindou ou de Le Shegall qui donne à l’espace un ton plus
convivial. Dans la première partie de la salle, se trouvent des tables et
chaises dans la configuration d’un restaurant. Explication : «l’espace
peut à l’occasion servir de restaurant ou entretenir les convives lors des
cérémonies qu’il nous arrive de recevoir ici». Mais en temps normal, cet espace
est prévu pour les café-littéraires, les conférences et autres dédicaces. Il
peut aussi servir de décor à des programmes TV sur les loisirs dont le paysage
audio-visuel au Cameroun manque cruellement. Dans la cour qui prolonge le
balcon de cette salle, des activités ludiques peuvent aussi se tenir. Comme le
billard ou des jeux pour enfants. Ou alors abriter des ateliers de pratique
d’art.
A
l’étage, ne se trouvent pas seulement les bureaux de l’administration du
centre. S’y trouvent également des chambres d’hôtes aménagées avec salles
d’eau. Il n’y en a que deux qui fonctionnent actuellement. A côté d’une
troisième qui est en réalité une chambre d’ami. Oui la famille Feze vit ici avant
un déménagement qui tarde. Depuis son retour au bercail, quand il ne s’emploie
pas à trouver des ressources pour son centre ou à réfléchir comment le rendre
plus attrayant, celui qui a fait des études de tourisme et travaille à la
Coopération allemande (GIZ) mène ses activités de père de famille et d’époux.
Pour
ce qui est du fonctionnement de FIIAA, la mise de départ, c’est-à-dire les
fonds propres, sont de mise. «Nous gardons l’espoir d’atteindre bientôt
l’équilibre salvateur. C’est pourquoi à côté des activités culturelles, nous
essayons de développer des activités pouvant constituer des sources de revenus
et nous permettre de couvrir certaines charges. Nous pensons ici à la location
d’espaces pour des cérémonies, la location des chambres d’hôtes ou encore les
services de restauration. Nous envisageons également créer une boutique de
produits du terroir pour encourager leur consommation». Et les pouvoirs publics
alors ? «J’ai contacté le ministère des Arts et de la Culture pour
présenter mon initiative et solliciter la politique de l’Etat dans la promotion
culturelle afin de savoir comment initier un éventuel partenariat. J’attends
toujours sa réponse». Mais déjà, il faudrait savoir que «les deux amis avec qui
j’ai commencé l’aventure à savoir un commissaire d’expo et un avocat, tous
basés en Europe, ont quitté le navire depuis». Feze poursuit donc la
navigation, déterminé à rendre viable son objectif qui est de «donner la
possibilité aux créateurs potentiels de s’exprimer et aider à la diffusion de
l’art. je souhaite aussi contribuer à la structuration du marché de l’art et
participer à l’aventure de l’industrialisation de l’art dans mon pays.» Un vœu
pieux ?
Parfait Tabapsi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire