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jeudi 18 avril 2013

Uwe Jung : Passionné de l’histoire coloniale germano-camerounaise

Patrimoine

Le bibliothécaire du Goethe Institut est un incollable de cette histoire qu’il aime bien partager.
Physiquement, il ne passe guère inaperçu. Le responsable de la bibliothèque du Goethe Institut Kamerun (GIK) n’est pourtant pas qu’une force de la nature. Lui qui valorise son temps libre à explorer l’histoire de la colonisation allemande au Cameroun. Avec un certain entrain d’ailleurs. Oui Uwe Jung est comme tombé amoureux de ce pan de l’histoire de son pays depuis dix ans qu’il est à Yaoundé. Arrivé ici au départ «pour un projet qui a fait long feu», il est resté sans doute par curiosité.

Une curiosité qui depuis son recrutement en 2005 au GIK est allée crescendo. En se voyant confier la responsabilité de la bibliothèque, il a trouvé là un signe du destin pour poursuivre son envie de connaître l’histoire de la rencontre de son pays d’accueil et de son pays d’origine. Surtout qu’il a trouvé dans la bibliothèque un important fond sur l’affaire. Dès lors «connaître cette histoire devient important à [ses] yeux, et pas que pour [son] travail seulement». Il sera aidé dans cette quête par son background universitaire, lui qui, à Humboldt à Berlin, a appris aux côtés du Pr Albert Wurz qui lui a visiblement transmis le virus de l’histoire africaine.
Il plonge ainsi dans les archives parfois bien rares mais ô combien intéressantes. Où il trouve que «à côté de l’histoire officielle, il y a d’autres pans inconnus, plu secrets». Tout naturellement, son attention est focalisée sur Yaoundé. Commence alors la recherche de toute relique ou archive sur cette histoire camerouno-germanique. Recherches qui l’amèneront notamment aux Archives nationales et qui lui permettront de se rendre compte de ce que «beaucoup d’actes officiels manquent à l’appel. Mais j’ai trouvé des actes clôturés en 1914 au début de la guerre. Ceux d’après ont été vraisemblablement détruits pendant la 2è guerre à Postdam en RFA même, ainsi qu’après le traité de Versailles».
Mais déjà, il a découvert que «Yaoundé n’a jamais été la capitale la capitale politique du Cameroun du temps de l’occupation allemande. Buea est resté capitale jusqu’à la fin». Une révélation qui rame à contre courant de bien d’études sur la question et qui en appelle à une authentification. En attendant, voici son argumentation : «en 1910, il y a une éruption volcanique à Buea et les colons se retirent pour mieux revenir une fois le danger évacué». Il a aussi noté qu’avec la passation de pouvoir, les nouveaux colonisateurs ont détruit nombre de sites de la colonisation allemande. Pour l’avenir, il souhaite que l’histoire soit «démocratisée, c’est-à-dire qu’il faut donner la possibilité à chacun de s’intéresser à l’histoire». Au GIK d’ailleurs, ils y aident ceux qui le veulent bien au moyen d’archives tenues. Archives où l’on pourra se rendre compte que «sans Georg Zencker, Yaoundé n’aurait jamais existé», que «un poste allemand a été créé pas loin du pont sur le Mbam en 1893», ou encore que «il y a une odeur de corruption entre Allemands et Camerounais à la station de Yaoundé». Des choses qui rendent cette odyssée dans l’histoire récente du Cameroun plus que succulente. Ça vous dirait ?

PT.

vendredi 12 avril 2013

Ambroise Kom :Je suis un citoyen libre de sa parole

Interview Littérature

Après une quinzaine d’années de va-et-vient entre le Cameroun et l’étranger, l’un de nos plus valeureux chercheurs et critique littéraire est rentré au bercail il y a quelques semaines. Avec sous le bras un énième recueil de ses textes d’analyses des œuvres africaines produites localement ou en diaspora. Occasion pour nous de lui rendre une petite visite et d’avoir une conversation à bâtons rompus sur nombre de sujets concernant la vie littéraire et critique en ce moment où l’on a en mémoire le fameux colloque de Yaoundé organisé en avril 1973 sous la houlette de l’un de ses mentors Thomas Méloné. Et comme à son habitude, il n’a fui aucune question, répondant avec la même verve qu’on lui connaît, lui qui par ailleurs est l’un des piliers du projet de l’Université des Montagnes de Bagangté dans le cadre de l’Association pour le développement de l’éducation (AED).

Entretien avec Parfait tabapsi

Ambroise Kom
En lisant le titre de votre dernier ouvrage, on a comme l’impression qu’une certaine urgence a présidé à sa préparation et à sa publication, ce d’autant plus que les manifestations des «indignés» enrayaient la planète entière. Est-ce bien cela ?
Il me semble qu’une indignation peut en cacher une autre. Vous faites sans doute allusion à Stéphane Hessel dans votre référence aux manifestations des indignés qui enrayaient la planète entière. Le génie des grands esprits comme Hessel est de trouver le mot juste ou la formule idoine pour résumer une situation qui prévaut à un moment donné de l’histoire. C’est ce qu’on a connu par exemple avec Frantz Fanon lorsqu’il publie «Les Damnés de la terre». Contrairement à ce que vous suggérez, mon ouvrage n’est nullement le fruit de quelque urgence. Il s’agit essentiellement, comme vous l’avez vu, d’une collection d’essais produits au cours des 20/25 dernières années de ma carrière. Et ici, l’indignation renvoie davantage à Yambo Ouologuem puisque le devoir d’indignation «subliminalise» le devoir de violence. L’indignation ayant présidé à ma démarche intellectuelle, il m’a semblé que le devoir d’indignation résumait assez bien le contenu de l’ouvrage. J’avais d’abord proposé «En attendant le messie…» comme titre mais l’éditeur a trouvé cela un peu trop provocateur !

Parlant de Frantz Fanon justement, il a dit dans «Les damnés de la terre» que la mission de l’écrivain africain c’est de «secouer le peuple (…) de se transformer en réveilleur du peuple», cela par la production d’une «littérature de combat, une littérature révolutionnaire». Vous situez-vous dans cette perspective fanonienne en écrivant ou avez-vous d’autres motivations ?
Par certains côtés, je suis effectivement un disciple de Fanon mais je ne saurais prétendre me situer au même niveau que l’illustre analyste de la condition du dominé. Nous avons hérité de Fanon des concepts pertinents pour décrypter notre réel et c’est ce que j’ai essayé modestement d’exploiter. Nous ne devons pas nous fatiguer de lire et de relire Fanon dont l’œuvre n’a point de rides.

A vous lire, l’on voit bien que la méthodologie critique que vous convoquez pour analyser les écrits des auteurs africains et de la diaspora sortent des sentiers de l’orthodoxie académique occidentale. Quelle en est la justification ?
Je ne sais pas ce que vous entendez par «orthodoxie académique occidentale». J’ai toujours été et je demeure un critique africain des productions culturelles des peuples noirs d’ici ou d’ailleurs. Pour y parvenir je recours aux concepts les plus opérationnels qu’ils aient été élaborés par des Asiatiques, des «Occidentaux» ou des Africains. Je ne me suis jamais refugié derrière des frontières par choix idéologique. Partout où je trouvais des sources fécondantes, je m’y abreuvais. Et il vous appartient de juger du résultat qui se trouve en partie dans cet ouvrage.

Votre «subalternité consciente» vous range dans ces études postcoloniales qui pour d’aucuns –à l’instar de Jean-François Bayart- constituent une sorte de «carnaval académique» de mauvais aloi. Quels arguments leur brandissez-vous ?
Je n’ai pas d’arguments particuliers à opposer à qui que ce soit pour affirmer ma subalternité. Je la démontre. J’ai cité Jean-François Bayart en passant parce que j’avais trouvé sa formule un peu curieuse. Mais en fait, la thèse de Bayart est assez simple puisqu’il prétend essentiellement que les théoriciens de l’Hexagone ont aussi étudié la condition du subalterne bien avant les Asiatiques et autres universitaires américains. Et donc qu’il n’y a rien de neuf dans ce concept. C’est son avis et ce n’est pas le mien. Je considère qu’au-delà de la contribution des théoriciens français que cite Bayart, des critiques d’autres horizons tels que Spivak, Said, Bhabha, Fanon, etc. ont contribué de manière significative à construire l’identité du subalterne.

L’exil et la diaspora africaine irradient vos écrits. De quel poids ces deux thématiques pèsent-elles dans la pensée africaine actuelle ?
Je n’invente ni l’exil ni la diaspora. Il s’agit d’une réalité qui impacte la vie africaine contemporaine. La littérature ou plutôt la culture africaine produite en exil par la diaspora africaine est de loin supérieure à la production qu’on trouve sur le continent, surtout en pays francophone. La qualité de l’expertise africaine de la diaspora est de loin meilleure que la continentale. Depuis la fin des années 1980, la diaspora africaine en Europe et en Amérique du Nord est d’une importance qu’il faut être sourd et aveugle pour ne pas en tenir compte. Et cela se voit dans le domaine culturel et économique. Comment oublier qu’au cours des 15 dernières années je vivais à cheval sur l’Afrique, l’Europe et l’Amérique du Nord puisque j’enseignais aussi bien au Cameroun qu’aux USA en transitant constamment par l’Europe où je faisais pas mal de rencontres avec la diaspora dans mon effort de promouvoir l’Université des Montagnes (UdM). La diaspora camerounaise apporte une contribution importante à l’UdM et j’ai dispensé plusieurs enseignements sur l’exil en général et sur la diaspora africaine en particulier. Il s’agit d’une problématique très riche dans le travail que je fais aussi bien dans l’enseignement que dans la construction de l’UdM.