Rechercher dans ce blog

Pages

welcome, willkommen, bienvenue

Vous êtes chez vous ici !
Here you are at home !
Hier sind Sie zu Hause !

samedi 24 août 2013

Olivier Madiba : Nous voulons valoriser la richesse culturelle de l’Afrique

Lors de la présentation du projet aux patrons camerounais.
Le concepteur du «Kiro’o Tales» explique ici les enjeux de son projet de jeu vidéo et fait le point sur son évolution.


En quoi consiste le projet Kiro et quel en est la justification ?
Ce projet se décline en 3 axes principaux : créer un genre Kiro’o Tales qui est une méthodologie narrative, visuelle et sonore. Et qui sera la signature des œuvres multimédia (jeux, livres, films, etc.) africaine pour valoriser nos cultures. Nous reprenons avec nos outils la même logique que le Japon quand il a inventé «Mangas» ou les Américains quand ils ont inventé le Comics par exemple. Le 2è axe concerne l’ouverture d’un studio Kiro’o Games, le premier studio professionnel de jeu vidéo au Cameroun. Pour réaliser des jeux vendus par internet aux USA, en Europe et en Afrique. Nos jeux seront pour la plupart justement créés avec la méthodologie «Kiro’o Tales». La création des jeux vidéo de qualité internationale, tel qu’AURION, est le 3è axe. Notre premier projet de jeu professionnel qui devrait sortir en mi 2014 normalement.

Très bien. Et le contexte alors ?
Le projet repose à ce niveau sur trois éléments : d’abord par rapport à un vide sur le plan socio culturel : les jeunes africains, ne lisent pas beaucoup hélas, et nous n’avons pas réussi à créer un bon système de transmission orale de masse de nos traditions, au cours de notre urbanisation. Par contre vu qu’ils jouent tous, ce serait magnifique de leur transmettre les valeurs et des modèles auxquels s’identifier à travers les jeux vidéo et les personnages virtuels. De plus, l’Afrique ne compte presqu’aucune représentation dans le média du jeu vidéo qui est aujourd’hui devant le cinéma en terme de loisir contemporain. Il y a ensuite un vide dans l’industrie du jeu vidéo. Le monde du jeu vidéo vit une grosse crise de créativité, les sources d’inspirations générales (mythologie et thématique occidentales ou orientales) sont surexploitées depuis plus de 20 ans, ce qui lasse les joueurs. Alors que la richesse culturelle de l’Afrique reste un terrain vierge qui peut relancer le secteur vers de nouveaux horizons créatifs si elle est bien mise en forme. Cela aboutit dans un 3è temps à une opportunité économique. Les coûts de production sont très élevés pour un studio à l’étranger (4 ou 5 millions de dollars pour un jeu moyen), alors que ce budget serait divisé par quatre pour une équipe camerounaise très bien payée localement. Les jeux se vendent aussi par Internet aujourd’hui, ce qui a abattu la frontière industrielle de production, nous sommes donc au bon moment pour nous lancer.

Etant donné le retard technologique du Cameroun, comment pensez-vous arriver à vos fins et mettre sur le marché, à échéance prévue, le jeu?
Réaliser un jeu vidéo de l’envergure de «AURION» exige un matériel informatique grand public. Le Cameroun a à cet effet tout ce qu’il faut à son actif avec les facilités douanières d’importations pour le matériel informatique, ou même l’accès à la fibre optique et l’électricité domestique qui a bénéficié de la centrale à gaz de Kribi dernièrement. Donc d’un point de vue technologique tous les voyants sont au vert. L’essentiel du travail est surtout concentré sur le travail humain, ce qui demande du talent et beaucoup de compétences diverses. Notre équipe triée sur le volet réunit toutes ces compétences.

Vous avez opté pour la valorisation du patrimoine culturel africain. N'est-ce pas là un frein ou un obstacle dans votre volonté d'irradier sur le monde entier?
Au contraire, c’est même justement parce que nous avons choisi cet axe que le monde nous regarde en étant curieux. Si nous nous étions contentés par exemple de faire des «jeux de ninja» avec juste des noirs, pour ne prendre que cet exemple là, ça n’aurait eu aucun intérêt pour les joueurs. Notre position nous rend visible, mais nous n’aurons droit qu’à une chance pour créer le buzz avec un produit de qualité exceptionnelle.

vendredi 23 août 2013

Yaoundé : Incursion à l’espace culturel FIIAA

Depuis un an, son promoteur André Feze se démène comme un beau diable pour contribuer à la diffusion artistique. Visite guidée d’un espace qui commence à faire parler de lui.

Convoqué par le téléphone arabe, le public a répondu. En nombre et avec ferveur ce samedi 13 juillet 2013. Un public qui a pour ainsi dire envahi la terrasse arrière de l’espace culturel et de loisirs dénommé FIAA au quartier Nsimeyong à Yaoundé. Public qui n’a pas boudé son plaisir toute la soirée durant, servi qu’il était par une joyeuse troupe de slameurs avec un lieutenant comme on n’en trouve pas souvent dans le milieu : la jeune Lydol. Une jeune étudiante qui a pris date à travers une prestation qui a convoqué en même temps la déclamation mesurée de ses propres textes, le chant et l’action. Le tout dans une mise en scène et une scénographie pour laquelle son mentor, le poète et scénographe Fleury Ngameleu, aura été plus qu’un recours utile. Pour une première, ce fût donc un succès pour Lydol dont le père présent ne doit pas être peu fier. Une Lydol qui pour l’occasion avait invité ses potes du Ongola Slam Café qui, pour ceux qui ne les connaissaient pas, ont fait montre d’une maîtrise certaine dans l’écriture poétique ainsi qu’une prestation scénique qui exprimait la gravité des thématiques explorées comme l’amour, la galère, l’unité africaine, etc. Une jeunesse décidée à conjurer l’abandon dont elle est l’objet de la part des gestionnaires de la chose publique et qu’un aîné dans le milieu en la personne de Sadrack du groupe de rap Négrissim est venu conforter à travers une prestation remarquée.
Ce spectacle, loin d’être une première pour cet espace, entre en droite ligne de l’esprit du centre culturel FIAA. Un mot qui dans les langues de l’Ouest Cameroun exprime la joie, le jeu, le plaisir. Pour le promoteur André Feze, le centre n’est pas seulement cela. «Au-delà de cette signification littérale et somme tout appropriée cependant, il faut comprendre que notre volonté en ouvrant cet espace au public est de lui permettre de donner sens et corps à sa passion dans le domaine des arts. Car on ne s’amuse pas par hasard, on ne choisit pas un loisir pour rien. Je reste convaincu qu’on choisit un loisir par passion et avec liberté. Dans le jeu, il n’y a d’ailleurs pas de limite». On ne vient donc pas à FIAA comme si l’on allait à une promenade. Il n’est pas question ici de jouer simplement avec des objets, «il y a aussi l’idée qu’on peut au terme du jeu rendre concret et visible pour soi et les autres sa passion», poursuit Feze. Une façon pour lui de faire comprendre que son espace se veut le creuset de la créativité inhérente en chacun de nous.
Un esprit qui fait son bonhomme de chemin depuis l’ouverture voici un an exactement. Ouverture qui avait vu la contribution de plasticiens issus de l’Institut de formation artistique de Mbalmayo (IFA). A l’occasion, Feze avait d’ailleurs insisté sur ce que FIAA était dédié à la création et à la diffusion. Un an plus loin, ce n’est guère le temps du bilan. Mais déjà, il sait qu’il est dans le vrai de son idée et ne demande qu’à aller de l’avant. Car en 12 mois, le centre a montré sa multifonctionnalité pour nombre d’activités charriées par l’art à Yaoundé. Et le concert de samedi 13 juillet pourrait être considéré comme allant dans ce sens-là. Car sur cette terrasse, les arts du spectacle peuvent s’exprimer (concert de musique, pièce de théâtre, humour, spectacles de conte, etc.), avec une capacité de 130 personnes assises dans un espace couvert. Et si le besoin se fait sentir, l’espace qui comprend une scène peut accueillir une trentaine de personnes supplémentaires dans une configuration où elles seront debout. Cet espace comprend en arrière fond un bar qui indique bien qu’en dehors des spectacles, des activités ludiques peuvent y être exécutées sans anicroche. Le promoteur et son équipe réfléchissent actuellement à comment en faire un espace de restauration rapide aussi. Ce qui pourrait donner naissance à des «soirées gastronomiques spéciales» qui permettront d’exposer le savoir-faire culinaire camerounais dans toute sa diversité et sa luxuriance.

jeudi 22 août 2013

L’enseignement de toutes les peines

Livre

Avec son premier roman, Kayabochan pose le diagnostic d’une profession plus sinistrée qu’il n’y paraît.
L’enseignement, noble métier ? Oui. Mais ailleurs. Pas au Cameroun. Qui a, depuis la crise économique de la fin des années 80 et l’ouverture démocratique, maille à partir avec ce corps en charge la formation de son élite. A tel point qu’être enseignant aujourd’hui au Cameroun c’est accepter de se mettre dans une situation pour le moins inextricable qui aboutit indubitablement à la dégradation du corps social tout en obérant l’avenir d’une nation qui, on ne le dira jamais assez, a plus d’un atout pour sortir de la misère généralisée.
Comme le démontre Kayabochan dans son roman «La craie noire», ce n’est pourtant pas la vocation qui manque. Ou même le potentiel. C’est plutôt le système, fait de corruption, d’injustice, de tribalisme, de favoritisme, et j’en oublie, qui tire l’enseignant et son métier vers le bas. Vers l’abîme même tant la posture d’enseignant souffre d’une sorte de travestissement et d’irrespect. Au Cameroun, comme sans doute ailleurs pourtant, l’enseignant est au carrefour d’un repère auto-normé. Sur la ligne horizontale, celle des abscisses, il constitue avec la communauté de ses collègues et des parents d’élèves une famille dont l’apport est déterminant pour la réussite des enfants. Sur la ligne verticale, celle des ordonnées, le prof est au milieu d’une relation qui fait de lui un exécutant et un ordonnateur en même temps. Exécutant du point de vue administratif, ordonnateur du point de vue pédagogique.
Tout serait simple si ce repère était autonome et que l‘enseignant avait une marge de manœuvre suffisante pour former le Camerounais de demain. On en est loin comme le fait savoir en filigrane Kayabochan. Clochardisé, l’enseignant joue d’abord sa survie, y pense en premier. Vivant dans la misère souvent comme son héros, il se doit de subvenir au besoin de la maisonnée si ce n’est de la famille ; avant même les siens. Puis, il doit former des élèves qui ne lui facilitent pas la tâche du fait de leur indiscipline souvent encouragée par les parents eux-mêmes. Après quoi il doit subir les ordres et contrordres, souvent tordus et dépourvus de tout bon sens, de la hiérarchie administrative. Le tout avec parfois un zeste de mépris et de condescendance.
Réduit ainsi à avaler des couleuvres au quotidien, sa fonction sociale s’en trouve affectée pour le mal d’une société camerounaise dont les priorités gouvernementales semblent confiner à l’accumulation sans réserve et tous azimuts. Résultat des courses, l’enseignant se retrouve à penser «qu’aucun métier ne nous fait mieux sentir parfois la monotonie de la vie que l’enseignement». Et pour conjurer cette monotonie, rien de mieux que de plonger dans «la malédiction des enseignants (à savoir) les vacations dans les établissements privés», qui en fait multiplie les problèmes plus qu’il ne les résout.
Avec ce beau texte, Kayabochan, qui commet là son premier ouvrage perso, nous renseigne sur un métier qu’elle pratique depuis près de deux décennies. Dans une langue châtiée qui gagnerait pour les prochaines créations à être plus serrée dans la narration, surtout si elle veut suivre les pas de ce Séverin Cécil Abéga qui lui a «transmis le goût de l’enseignement des lettres», qui était un conteur né, et à qui elle rend hommage dès le frontispice. On sort de son récit un peu ébaubi par la réalité dans les lycées et collèges, mais surtout groggy. Tant ce métier ainsi dévalué est central dans le développement de toute nation. L’Etat camerounais saisira-t-il cette balle au bond pour en faire un élément de poids dans sa lancée vers l’émergence ?
Parfait Tabapsi
Kayabochan, La craie noire, Yaoundé, Editions Ifrikiya, avril 2013, 152 pages.