Musique
Madjang arrangement !
Le dernier opus de Jay Lou est un hommage à cet instrument fondamental de la musique camerounaise.
Du Cameroun musical, on a coutume de dire, et à raison, qu’il est polysémique. Cela du fait de la pluralité de rythmes qui le composent et qui donnent aux mélomanes d’ici et d’ailleurs de trouver chacun son compte dans le tableau des offres que nos meilleurs instrumentistes et chanteurs, quand ils sont inspirés, savent si bien offrir.De Jay Lou, on connaissait jusqu’ici son jeu de guitare qui confinait à la comparaison d’illustres guitaristes du monde du jazz à l’instar de George Benson ou de Earl Klugh avec qui il faillit d’ailleurs partager la scène ici même à Yaoundé il y a quatre ans à l’occasion d’un festival de jazz. Mais comme souvent chez ces musiciens-compositeurs, il arrive de cacher un jeu que le mélomane finit toujours par trouver au gré soit des prestations, soit des enregistrements.
C’est le cas avec ce nouvel opus de Jay Lou. Qui, bien que nous ayant habitué depuis Prélude à une manière d’être et de faire musicale, nous a positivement surpris. Lui qui a eu la bonne idée de nous proposer un projet musical faisant la part belle à cet instrument que l’on n’écoute plus chez nous que dans les bars ou le tréfonds des villages : le balafon, que nous appelons affectueusement Mandjang (ou Mendzang suivant les zones).
Avec Ethno Skies en effet, le fils de Yaoundé démontre au bout de 13 plages bien senties que cet instrument a encore de beaux jours devant lui. Ce faisant, il bât en quelque sorte en brèche l’acception -bien ancrée chez certains- qui veut que depuis le travail de Messi Martin -qui le premier su transposer le son du balafon à la guitare avant que le feu Zanzibar ne propage la trouvaille hors de nos frontières à travers Les Têtes brulées- le balafon était réduit aux fêtes du village.
Voilà la première satisfaction de cet opus qui en comporte pourtant bien d’autres. Il y a ici, et comme souvent chez Ava, la qualité des compositions et le travail d’arrangeur qui rehausse un album qui confine à la recherche musicale. Et au travers des titres, l’on a le sentiment que l’artiste en a sous la semelle bien que l’on puisse se contenter déjà de ce qu’il propose. C’est que les plages défilent avec un plaisir certain pour les sens à tel point qu’on n’est tiré de son évasion que par la dernière note.
Aussi, l’autre mérite du musicien réside en ceci que si le balafon est présent à tous les titres, aucun de ceux-ci ne ressemblant guère à un autre. En plus, il a trouvé le moyen de mettre en avant le mandjang et le piano sans toutefois mettre en veilleuse les cordes qu’il affectionne tant. Au bout, un cocktail sonore et festif qui illustre la richesse d’un Cameroun qui n’a sans doute pas fini de montrer au monde son extrême prodigalité artistique.
Un travail qui rappelle quelques autres. Surtout avec ces voix qui rappellent celles, bulgares, que le regretté pianiste et compositeur tzigane Joe Zawinul magnifia dans son inoubliable «Faces & Places» où il donna à percevoir les rythmes camerounais avec à ses côtés les deux génies de la basse Richard Bona et Etienne Mbappé. Des voix discrètes certes, mais ô combien bien à propos.
Parfait Tabapsi
Fiche technique
Jay Lou Ava
Ethno Skies, 2010
13 titres
A écouter : Fish dance, Jungle flowers, African sunrise
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