Spécial JCC, Tunis
Avec ce long métrage,
le Sénégalais renforce l’image d’une Afrique misérable qui rêve d’Occident.
L’émigration
du Sud vers le Nord, voilà une thématique que bien d’auteurs africains dans
divers genres ont éculé ces 20 dernières années. Surtout depuis les lois très
dures de Pasqua et Debré en France. Une thématique devenue phénomène, mais dont
l’importance n’a d’égal que la volonté du Nord à faire croire qu’elle lui est
préjudiciable alors même que les chiffres démontrent que la majorité des
migrants africains se dirigent en premier lieu vers d’autres pays du continent.
Avec
«La pirogue», le Sénégalais Moussa Touré embouche cette trompette-là. Pour une
servir un film qui renforce les clichés sur l’Afrique. Un continent misérable
dont la jeunesse n’aspire et ne jure que par l’Europe où elle entrevoit le
paradis. Même la crise économique qui y sévit actuellement est loin de les
décourager tant chacun construit des rêves et ses espoirs sur ce continent qui
dans son imaginaire épouse toutes les vertus. C’est ainsi que le capitaine de
cette pirogue finalement symbolique ne résiste pas bien longtemps à l’envie de
faire comme les siens et de construire ainsi des plans de réussite sur la
comète Europe.
Peut
alors commencer un voyage que le spectateur sait périlleux du fait de l’embarcation
de fortune. De ce côté-là, il n’y aura guère de suspense. Le cinéaste réalisant
cependant la prouesse de bien filmer la tempête prévisible tout en mettant en
exergue de manière plus qu’intéressante la tension entre les membres de l’équipage
et les passagers. La même camera nous montrera aussi la résignation du groupe
devant la soudaineté du danger. Danger qui confinera in fine à la mort d’une
partie des voyageurs, soulevant chez le spectateur la pitié, voire la sympathie
pour cette chair fraîche et jeûne livrée en pâture à une volonté de fer de s’en
aller voir ailleurs.
Bien
sûr qu’au passage on maudira les gouvernants des pays africains coupables de ne
pouvoir construire un avenir pour leur jeunesse. Soit ! Mais le plus grave
c’est que cette Afrique qui migre n’est pas la plus intelligente, la mieux
formée ou la mieux préparée. A la différence de colons européens par exemple
qui dans leur exode vers le nouveau monde avait l’assentiment si ce n’est le
soutien de leurs dirigeants. Comme on le voit d’ailleurs ces dernières années
en Angola et au Mozambique avec les Portugais. Et du coup on a envie de
demander à Touré s’il ne lui était pas possible de reconstituer la trajectoire
de ces jeunes qui ont réussi à aller capter le feu de la connaissance et du
savoir occidental pour illuminer le monde. Chut, de cela il ne saurait en être
question dans un film écrit et financé par le Nord pour la finalité que l’on
sait.
La pirogue de Moussa
Touré, avec Souleymane Seye Ndiaye, Laïti Fall, Malamine Dramé ; scénario
de Eric Névé et David Bouchet ; produit par Les chauves souris et Astou
films ; 87 min, 2012.
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