Le monstre du théâtre africain n’a pas failli à sa
réputation à l’occasion de son retour sur scène. Retour sur trois soirées …
Les
lendemains de guerre civile sont insoutenables. Les blessures récentes, souvent
encore ouvertes ne semblent pas vouloir se refermées de si tôt. Cela bien sûr
dans les deux camps, sans doute pas avec les même proportions, mais avec la
même acuité. Dans le camp des vainqueurs qui doivent donner un sens à leur
«victoire» tout en repensant un nouveau vivre ensemble, la tâche est loin
d’être aisée comme on pourrait le penser à première vue. Le magnifique texte «La
femme et le colonel» du Congolais Dongala le montre à suffisance. C’est du
moins ce qu’a laissé paraître la représentation que le Tchadien Vangdar
Dorsouma a bien voulu partager avec le public de Yaoundé trois soirées durant à
l’IFC à l’occasion du cinquantenaire du comédien camerounais Ambroise Mbia.
Oui,
Ambroise Mbia a renoué avec les planches en juin dernier comme prévu depuis de
longs mois et avec une gourmandise et un aplomb que l’on ne lui connaissait
plus. A la fin de la dernière représentation, il s’en est même trouvé des
spectateurs qui ont balancé à l’encan qu’il avait de beaux restes. Un doux
euphémisme qui en disait long sur ses prestations successives dans une mise en
scène qui ne s’est pas embarrassée d’une quelconque recherche, préférant ne pas
prendre de risque pour ce moment somme toute critique d’une figure qui aura traversé
le théâtre africain de ses talents multiples.
Ce
qui restera en effet de ces représentations seront les performances scéniques
des deux comédiens principaux. En premier lieu la Béninoise Florisse Adjanohum,
bien connue des spectateurs camerounais et qui aura une fois de plus été à la
hauteur de son personnage et de sa réputation. Cela aussi bien à travers sa
diction impeccable que les mutations liées à la tension dramatique. On a beau
dire qu’elle jouait cette pièce pour la nième fois, il n’en demeure pas moins
que chaque représentation constitue un défi qu’elle a mis un point d’honneur à
relever avec une dextérité artistique particulière qu’il faut saluer. Le héros
du jour a pour sa part été égal à lui-même. Donnant parfois l’impression que le
boulot était facile. Concentré, déterminé et plus que motivé, il a ému le jeune
public et rassuré celui de sa génération. Sur ce qu’il a montré, il gagnerait
sans doute à ne pas délaisser les planches tant son jeu a paru juste, quoique
mesuré.
Le
metteur en scène, en plus d’avoir choisi de sucrer une bonne partie du texte a
échaudé plus d’un. L’on a ainsi pas compris que le passage sur le déshabillage
complet ou presque du colonel n’ait pas trouvé grâce à ses yeux, ce qui aurait
par ailleurs accru la tension dramatique. On pourra aussi lui reprocher d’avoir
opté pour une mise en scène classique là où l’histoire permettait une plus
grande variation. La vieille école diront ses contempteurs qui ne manqueront
pas au passage de signaler sa révérence pudique dans les coupes du texte.
Travail qui aura cependant eu le mérite, quoique la régie manqua par moment de
créativité, de restituer une situation quasi réelle avec une charge
émotive certaine.
S’agissant
de l’histoire, Dongala campe la rencontre d’une veuve violée d’avec son
bourreau. Bourreau qui a usé de sa position dans la hiérarchie de l’armée pour
piller, tuer et surtout violer à tout va. Et qui 10 ans plus loin ne reconnaît
pas l’une des nombreuses victimes à qui il a administré un viol cinglant avant
de faire brûler ses mari et fils. Mû par son instinct de violeur, il ne voit
face à lui dans la confrontation qu’une nouvelle proie qui lui permettra de
mettre en épreuve sa fameuse théorie qui veut que «chaque fois (qu’il) tire un
coup (il) sauve des vies». Une fois face à la vérité venue à découvert, il
redevient lui aussi une victime devant la femme. Avec ce texte, Dongala a sans
doute voulu magnifier le pardon féminin ainsi que la réconciliation nécessaire
après les tueries de la guerre civile. Rappelons que l’ouvrage est paru en
1996, c’est-à-dire à la fin d’une première guerre civile due aux hoquets de la
démocratie et l’élection du de Pascal Lissouba au Congo. Un cri qui ne fut
malheureusement pas entendu comme allait le démontrer la 2è phase qui allait
permettre à Sassou Ngusso de reprendre la main et le pouvoir avec ses soutiens
français laissant sur le carreau des hordes de Congolais humiliés et tués
durant des mois.
La femme et le colonel d’Emmanuel
Dongala, mis en scène par Vangdar Dorsouma et Elise Mballa Meka, avec Ambroise
Mbia, Florisse Adjanohoun et Ousmanou Sali, scénographie d’Alvarez Dissaké,
costumes de Blaz Design, régie de Maurice Essomba
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire