Littérature
Stéphanie Dongmo, Yaoundé, avril 2012. |
Depuis
Patrice Etoundi Mballa, on cherchait qui des journalistes en activités
butinerait les sentiers de la muse. Dans l’espace il y eut sans doute des
dignes journalistes-écrivains comme Nanga Abanda qui s’essayèrent à l’exercice
sans beaucoup de bonheur comme le démontre à souhait les archives de la
chronique littéraire chez nous. Avec «Aujourd’hui je suis, mort», recueil de
quatre nouvelles, Stéphanie Dongmo frappe en même temps un grand coup et les
esprits. Et ce même si à lire son recueil, on peut honnêtement penser qu’elle n’a
pas donné le meilleur tant la thématique et l’angle qu’elle a choisi pour
promener le lecteur dans la ville de Yaoundé qu’elle habite auraient autorisé à
tout le moins plus de textes.
Quoiqu’il
en soit, Dongmo s’est lancée dans le chemin bien escarpé chez nous de l’écriture
de fiction. Et comme souvent pour un premier livre, il appert à la lecture qu’elle
y est allée de son propre parcours. Car comment expliquer autrement ce parti-pris
pour les gagne-petits si cher à son illustre devancier aujourd’hui disparu
Séverin Cécil Abega ? Une option qui rend sa plume plus brillante encore quand
l’odyssée se veut sociologique. Un penchant qui n’est pas sans rappeler son
passé de sociologue et son présent de journaliste, deux disciplines plus que
voisines des sciences sociales dont l’exercice de l’un (r)appelle fatalement l’autre.
Avec au bout un sens du détail et une description magnifiques, renvoyant au
passage au visage du Yaoundéen une réalité qui quoique pertinente et
omniprésente ne semble pas attirer plus que cela son attention.
C’est
sans doute là le mérite de cette jeune auteure dont le style, proche du
journalisme qu’elle pratique au quotidien, épouse les contours de la simplicité
et de la syntaxe simple. Mais qui, plus que le journalisme, ne se contente pas
de figer un temps ou un moment. Dans sa narration en effet, elle trouve le
moyen d’interpeller le lecteur au plus profond de lui-même sur ces
laissé-pour-compte très souvent incompris, qui se battent pour la survie et
dont le nombre ne cesse de croître dans une société qui veut attraper le train
de la modernité en dédaignant le côté anthropologique du développement. Toutes choses
qui convoquent la réflexion sur le rapport que nous avons à nos semblables, au
point que l’autre devient une sorte d’enfer dans l’enfer. Dans le premier texte
qui donne son titre au recueil, voici ce que le héros, après s’être donné la
mort parce qu’incompris, dit au moment de rejoindre définitivement ses ancêtres :
«Je n’eus pas droit aux poignées de terre délicatement jetées par des mains
chères. Il n’y eut, à mes obsèques, ni fleurs, ni pleurs, ni linceul, ni
cantiques religieux, ni même autopsie traditionnelle. (…) on m’enterra dans un
champ que l’on allait d’ailleurs abandonner à la broussaille et aux démons. J’avais
été fouetté et jeté dans la boue toute nuit. On m’avait enterré tout nu, les
honneurs des funérailles m’avaient été refusés.»
le livre, Yaoundé, janvier 2013. |
Une
société où des messies sans scrupules d’un nouveau genre se jouent de la
naïveté des citadins pour mieux les ruiner et les contraindre à une paranoïa
mortelle. Cela au vu et au su d’un Etat pour le moins défaillant et d’un
environnement pour le moins désintéressé au devenir des autres. Cela se voit aisément
sous les signes du troisième texte, ‘Au nom de Jésus’. Au total une belle somme
qui se lit d’un trait et qui peut soulever émotion chez des âmes sensibles. En attendant
une deuxième œuvre qui pourrait être plus gaie et que l’on souhaite ardemment à
la fermeture du recueil.
Stéphanie Dongmo
Djuka, Aujourd’hui je suis mort, Nouvelles, Paris, L’Harmattan, novembre 2012,
80 pages, 10,50 euros
Parfait Tabapsi
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