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lundi 14 janvier 2013

Yaoundé tristesse

Littérature

Stéphanie Dongmo, Yaoundé, avril 2012.
Depuis Patrice Etoundi Mballa, on cherchait qui des journalistes en activités butinerait les sentiers de la muse. Dans l’espace il y eut sans doute des dignes journalistes-écrivains comme Nanga Abanda qui s’essayèrent à l’exercice sans beaucoup de bonheur comme le démontre à souhait les archives de la chronique littéraire chez nous. Avec «Aujourd’hui je suis, mort», recueil de quatre nouvelles, Stéphanie Dongmo frappe en même temps un grand coup et les esprits. Et ce même si à lire son recueil, on peut honnêtement penser qu’elle n’a pas donné le meilleur tant la thématique et l’angle qu’elle a choisi pour promener le lecteur dans la ville de Yaoundé qu’elle habite auraient autorisé à tout le moins plus de textes.
Quoiqu’il en soit, Dongmo s’est lancée dans le chemin bien escarpé chez nous de l’écriture de fiction. Et comme souvent pour un premier livre, il appert à la lecture qu’elle y est allée de son propre parcours. Car comment expliquer autrement ce parti-pris pour les gagne-petits si cher à son illustre devancier aujourd’hui disparu Séverin Cécil Abega ? Une option qui rend sa plume plus brillante encore quand l’odyssée se veut sociologique. Un penchant qui n’est pas sans rappeler son passé de sociologue et son présent de journaliste, deux disciplines plus que voisines des sciences sociales dont l’exercice de l’un (r)appelle fatalement l’autre. Avec au bout un sens du détail et une description magnifiques, renvoyant au passage au visage du Yaoundéen une réalité qui quoique pertinente et omniprésente ne semble pas attirer plus que cela son attention.
C’est sans doute là le mérite de cette jeune auteure dont le style, proche du journalisme qu’elle pratique au quotidien, épouse les contours de la simplicité et de la syntaxe simple. Mais qui, plus que le journalisme, ne se contente pas de figer un temps ou un moment. Dans sa narration en effet, elle trouve le moyen d’interpeller le lecteur au plus profond de lui-même sur ces laissé-pour-compte très souvent incompris, qui se battent pour la survie et dont le nombre ne cesse de croître dans une société qui veut attraper le train de la modernité en dédaignant le côté anthropologique du développement. Toutes choses qui convoquent la réflexion sur le rapport que nous avons à nos semblables, au point que l’autre devient une sorte d’enfer dans l’enfer. Dans le premier texte qui donne son titre au recueil, voici ce que le héros, après s’être donné la mort parce qu’incompris, dit au moment de rejoindre définitivement ses ancêtres : «Je n’eus pas droit aux poignées de terre délicatement jetées par des mains chères. Il n’y eut, à mes obsèques, ni fleurs, ni pleurs, ni linceul, ni cantiques religieux, ni même autopsie traditionnelle. (…) on m’enterra dans un champ que l’on allait d’ailleurs abandonner à la broussaille et aux démons. J’avais été fouetté et jeté dans la boue toute nuit. On m’avait enterré tout nu, les honneurs des funérailles m’avaient été refusés.»
le livre, Yaoundé, janvier 2013.
Une société où des messies sans scrupules d’un nouveau genre se jouent de la naïveté des citadins pour mieux les ruiner et les contraindre à une paranoïa mortelle. Cela au vu et au su d’un Etat pour le moins défaillant et d’un environnement pour le moins désintéressé au devenir des autres. Cela se voit aisément sous les signes du troisième texte, ‘Au nom de Jésus’. Au total une belle somme qui se lit d’un trait et qui peut soulever émotion chez des âmes sensibles. En attendant une deuxième œuvre qui pourrait être plus gaie et que l’on souhaite ardemment à la fermeture du recueil.
Stéphanie Dongmo Djuka, Aujourd’hui je suis mort, Nouvelles, Paris, L’Harmattan, novembre 2012, 80 pages, 10,50 euros

Parfait Tabapsi


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