Pourquoi
diantre Afrédit a-t-il rendu ce mauvais service à Hervé Madaya ? Qui plus
est pour une première œuvre qui inaugure une collection sur laquelle l’éditeur
semblait fonder beaucoup d’espoirs. La question est d’autant plus lancinante
que le manuscrit de source introduite a mis longtemps à être édité et a même
failli ne jamais l’être. Aujourd’hui, cette manière d’éditer, si l’on puis
parler d’édition, a sapé le travail et le moral de celui-là même que la
critique considère comme l’une des plumes montantes de la littérature
camerounaise comme on peut le vérifier dans ses premiers ouvrages (aussi bien
les collectifs que son premier roman «Sur les traces de Saër»).
Et
pourtant ! Dans cette «Morsure des louves», Madaya s’est échiné à conter
une histoire somme toute ordinaire avec une écriture simple et profonde à la
fois. En prenant le parti de parler à la première personne sous les traits du
garçon Saër, son héros. Un garçon intelligent qui aura eu le malheur de naître
dans une famille de riches, à travers une mère porteuse, qui a fini par se
déchirer et se séparer, abandonnant le petit à lui-même et aux affres de la
rue. Avec un récit alerte, Madaya plonge sa plume dans un paysage urbain
africain où la valeur de l’enfant, pourtant souvent difficile à obtenir, ne
vaut pas grand-chose aux yeux de ses parents. Que ce soit la mère ou le père,
il ne se trouve personne pour se soucier de l’avenir du petit, personne pour le
comprendre, encore moins analyser l’impact de la séparation sur son être et son
devenir. Saër en brûlant le domicile familial après le départ de sa mère tente
de faire savoir cet abandon ; sans, hélas, que ses parents ne viennent à
résipiscence.
L’autre
grief qui sourd sous la plume de l’auteur c’est celui envers la société, le
corps social en son entier. Car l’on ne perd pas de vue que le déclic de tout
c’est l’expérience malheureuse d’émigration de Karma et Soundé ; deux
Africaines qui souhaitaient rejoindre l’Europe, mais furent escroquées par un
passeur avant d’être violées dans le désert tchadien. Ce qui suscitera en elles
le désir de vengeance. Et le père de Saër allait malheureusement se trouver, pour
son plus grand malheur, sur le chemin des assoiffées de vengeance. Et du coup,
l’on en vient à se demander si tout cela serait arrivé si la société avait mieux pensé et anticipé sur l’avenir de sa jeunesse. Tout
aussi grave est l’abandon des enfants de la rue par les pouvoirs publics ainsi
que leur incapacité à aider les familles à mieux vivre ensemble.
Avec
«La morsure des louves», Madaya sert une peinture réaliste de la société
urbaine camerounaise d’aujourd’hui. En recourant à un style qui privilégie les
descriptions et les comparaisons. Un art
de la narration qui suit indéniablement le sillon qu’il avait déjà commencé à
butiner avec son premier roman «Sur les traces de Saër» (Ifrikiya, 2009). Avec
le suspense en prime, dans une construction narrative en sinusoïdes qui donne
tout son sens au flashback. Un roman à lire malgré ces coquilles capricieuses
qui reviennent à longueur de pages. Un roman qui en appelle d’autres sur la
thématique de l’éclatement des familles africaines en milieu urbain.
Hervé Madaya, La morsure des louves,
Yaoundé, Afrédit, septembre 2012, 266 pages
Parfait Tabapsi
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