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vendredi 11 janvier 2013

Tribute to Vincent Nguini



 Musique
Par Joseph Owona Ntsama

Avec Owona Ntsama à dr. et Parfait Tabapsi à g. chez lui en 2012.
             Sunshine Day
La journée est belle de ce soleil caractéristique de décembre sous les Tropiques dont les rayons, agressifs à souhait, vous picotent l’échine et le crâne, transformant toute initiative de marche à pieds en projet téméraire. Heureusement que pour une fois je n’aurais pas à battre le pavé. Le 28 décembre 2012, à Obala, dans sa ville natale, j’ai rencontré Vincent Nguini, lechef d’orchestre de Paul Simon depuis une bonne vingtaine d’année maintenant ; Paul Simon, co-auteur avec Arthur Garfunkel des albums de pop music «Bridge Over Troubled Water» et «Wednesday morning. 3 A. M.», entre autres albums planétaires. Je suis très impressionné et pour être tout à fait honnête avec vous, je nourris même quelques appréhensions… Les artistes, je veux dire les grands esprits, sont réputés caractériels. Et Vincent Nguini qui en est un, est en congé au pays, m’a-t-on dit, donc il est là pour se reposer. Ce qui est tout à fait légitime quand on parcourt le monde comme il le fait depuis près de 40 ans en bon ambassadeur de la musique africaine.
La ville d’Obala que j’ai connue jadis, s’est littéralement transformée, ces dernières années, notamment grâce au goudron qui serpente la ville et ses artères : exit donc le patelin poussiéreux que j’ai fréquenté à l’époque du complexe touristique «Luna Parc» et de la très redoutée équipe de football, «Tarzan d’Obala», aussi célèbre pour son jeu à prédominance force («Kick & Rush !!») que pour les bagarres épiques que ses supporters n’hésitaient pas à engager, les joueurs avec ! A ce moment précis, je pense à cette bourgade passablement éclairée qui me rappelait toujours l’univers culturel des romans d’Exbrayat lorsqu’il décrivait, avec force détails, les échauffourées, rixes et autres pugilats monstres des villageois irlandais ou écossais après une soirée bien arrosée… Cette ville aux gens accueillants malgré une réputation de bagarreurs non surfaite, Nguini lui a dédiée, plusieurs années plus tard, une tonique mélodie mi-chant de guerre, mi-chant d’adieux et mi-chant de réjouissance intitulée «Obala», où l’«Esani» [danse traditionnelle funéraire d’adieux des peuples Beti-Bulu-Fang de la grande forêt équatoriale d’Afrique centrale] qui est déjà émotionnellement très chargée fondamentalement, est magnifiée à son plus haut niveau. L’homme qui a perdu son père à 14 ans, en a certainement vu de toutes les couleurs dans cet environnement sociologique où les orphelins, de père justement, sont des proies faciles pour des prédateurs de toutes sortes…
«Obala» lui a certainement donné l’opportunité de faire la paix avec lui-même en cautérisant définitivement quelques blessures narcissiques… Nous roulons paisiblement en ce moment de fête, croisant aussi quelques chauffards qui nous flanquent la trouille, nous rappelant incidemment que la vie ne tient qu’à un fil... Notre guide rassure : l’homme, à l’occasion, passe même quelques coups de fil au maître des céans, question de bien nous situer sur la position géographique de son nouveau domicile. Enfin, on se gare devant l’entrée du domicile de Vincent Nguini. Gazouillis d’oiseaux au lointain, l’endroit est calme et on y respire l’air pur. Je ne suis pas surpris : Nguini est boudhiste, ce qui explique certainement le choix de cet environnement bucolique. Le ciel est radieux et nous sommes heureux. Nous sommes arrivés à bon port. 

Chez lui à Obala en décembre 2012.
Traveller
L’homme, à la démarche nonchalante, souriant et immédiatement disponible, nous recevra sans protocole aucun. Ce fut ma première agréable surprise. Et il y en eut bien d’autres, durant cet échange libre, convivial et franc que nous eûmes dans son salon spacieux. Le regard vif, un tantinet rieur et le rictus charmeur bien en coin, il sera disert voire prolixe sur les détails de sa longue et riche carrière de musicien, compositeur et arrangeur. Il a étudié l’harmonie et autres subtilités de la musique d’abord auprès du Ghanéen Teddy Ossey aujourd’hui disparu, qui fut un ancien enseignant de musique à la Berkeley, en Californie ; et, ensuite, à Genève, en Suisse, dans une académie aseptisée. Cela après qu’il a fini de bourlinguer dans tous les cabarets en vue, à l’époque, à Yaoundé, auprès du guitariste Lazare Ndénang et autres Paul Tina (claviers et guitare) stockant méthodiquement un bagage technique qui, certainement, explique aujourd’hui sa longévité auprès d’un musicien de la trempe de Paul Simon. Lui qui était pourtant au départ attiré par le football et qui va entrer dans la musique par la…batterie ! Si Teddy Ossey est resté pour lui le maître des maîtres (il évoque son souvenir avec une pointe de nostalgie et beaucoup d’émotion), il faudrait bien garder en tête qu’en esprit libre, Vincent Nguini est d’abord un autodidacte compulsif (il continue à ce jour à se documenter en musique en ses divers aspects et possède un nombre impressionnant d’ouvrages théoriques et pratiques qui vont dans ce sens).
C’est d’ailleurs cette quête du savoir qui lui fera prendre la route très tôt, pour une aventure pleine de galères les unes aussi cocasses que les autres, des fois périlleuses aussi à cause de la roublardise de quelques frères d’armes très peu respectueux de la morale et de l’image de soi. Le Ghana, le Nigéria, la Côte-d’Ivoire et j’en passe ; l’Europe, par la suite et enfin les Etats-Unis où, en fin de tournée avec Manu Dibango, il prendra la décision irrévocable de rester. Il s’y retrouvera d’ailleurs tout seul faute de «courageux» voulant tenter l’aventure comme lui. On le devine aisément, notre colosse d’Obala, dans les turpitudes d’une «Easy Ryder» interminable et parsemée d’embûches, les poches désespérément vides mais la musique plein la tête ; lui qui, très tôt, eut un «projet», autre chose de particulier que de jouer éternellement comme «sideman» : faire de la musique africaine tout court, mais en emmagasinant le maximum de connaissances théoriques et techniques pour pouvoir donner libre cours à une inspiration originelle qui ne saurait trahir ses aspirations profondes. Il lui aura donc fallu apprendre -et beaucoup- pour parvenir à ses fins. Ce qu’il fit en totale immersion dans divers univers musicaux incubateurs de talents comme à l’époque quand il eut à côtoyer, certes pendant un laps de temps, le roi de Kalakuta City : l’immense Fela Anikulapo Kuti. La quête de Vincent Nguini a quelque chose de complexe, à forts relents mystiques (Cf. album «Symphony Bantu»), à la recherche d’une inspiration originelle pour exhumer sans la dénaturer la musique africaine du tréfonds de son univers basique : c’est ce qui peut d’ailleurs expliquer, à l’occasion, qu’il revienne musicalement se ressourcer auprès du riche répertoire du grand maître Martin Messi me Nkonda (1946-2005) en revisitant quelques-uns de ses standards, ou, plus proche de nous, les compositions du regretté Sala Bekono qui fut très proche du même Messi.

En spectacle avec son boss Paul Simon en 2011.
Take it easy!
Philosophe parce bouddhiste aujourd’hui, Vincent Nguini ne laisse rien transparaitre de tous ces moments de galère, de doute, pour laisser libre cours à une joie de vivre non feinte et communicatrice : il y a quelques années, ici en plein Yaoundé, sortant d’une émission radiophonique, un esprit retord lui déroba son disque de platine ; ou pire quand tous les contacts avaient été bouclés pour qu’il puisse faire un concert gratuit dans notre vieux stade omnisports, et que tout sera annulé à la dernière minute parce qu’on lui refusera de vérifier de «tactu» l’état de la pelouse qui allait accueillir des milliers d’individus venus des quatre coins du pays… Et jusqu’à ce jour rien n’a été fait pour que ce digne fils du pays nous montre dans un live monstre ce qu’il sait faire. Nguini parle de tout ça avec détachement, on a même comme l’impression qu’il n’est nullement concerné tant il reste concentré sur ce qu’il a à faire, je veux dire sur ce qu’il sait bien faire : exécuter de la musique africaine, musiques dont on est encore très loin d’épuiser le potentiel et de percer le mystère d’après lui. C’est cette sorte d’hédonisme musical qui au final le rend modeste, parce qu’il sait que le chemin est encore long à parcourir pour étudier, comprendre et enfin exploiter à fond toutes les capacités techniques que nous offre le myxolydien de nos musiques traditionnelles du cru. Même si il a abdiqué à jouer du mvet dont il n’imaginait pas la complexité. Observer que je ne parle pas de «Jazz», mais bien de «musiques traditionnelles africaines», je veux dire ce fond culturel sonore complexe dans la structuration harmonique qui avait déjà, en son temps, fasciné un Francis Bebey, si l’on ne retient que les mélodies des Pygmées par exemple.
Avec Paul Mccarthney
Notre visite se terminera dans une ambiance relaxe, voire même bonne enfant : Nguini ira jusqu’à reprendre, sur son inséparable et vieille Gretsch orange cirée, pour notre plaisir à tous et je crois surtout pour mon ego personnel, le célèbre titre de Sissy Dipoko, «Mouvement uniforme», qu’il joua et enregistra en studio, à Paris, entouré pour la circonstance de Justin Bowen (Synthé), Jojo Kouoh (batterie), et Petit Manga (bass). Je crois que Jimmy Sax faisait aussi partie de cette bande de joyeux drilles. On ne se fera guère prier pour immortaliser ce direct qui vaut de l’or à mon avis. Un ange passa suivi d’une cohorte de petits santons qui semblent donner le La… Je suis aux anges et je me jure «in petto» de reprendre mes gammes dès que possible. Mais juste pour me faire plaisir, «Just for fun !». Vincent Nguini va nous raccompagner jusqu’à son portail, relaxe et toujours souriant. Dernières photos. Dehors c’est toujours le même temps radieux. On se remet en route en se promettant de se revoir dès que possible.

Dicographie:
Symphony Bantu (1994); Mesa/Bluemoon / Rhino
Mezik Me Mvamba (1997); Vincent Nguini
Sunshine day (1999); Vincent Nguini
Traveler (2002); Vincent Nguini
Douma (2006) ; Vincent Nguini

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