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jeudi 25 octobre 2012

Bob Marley : sous le signe du Christ

Le documentaire de Kevin Macdonald  pose cette figure du reggae comme le fondateur d’une chapelle de la paix qui irradie le monde entier.

Le réalisateur devant l'affiche du documentaire.
 Bob Marley a-t-il jamais été heureux ? Il est à craindre que non tant les souffrances de cette légende de la musique auront été nombreuses. C’est du moins le sentiment qui transpire du magnifique documentaire de Kevin Macdonald. Où en près de deux heures et demie l’on perçoit un Marley très christique. Non seulement parce que sa descente aux enfers fut douloureuse (une maladie apparemment bénigne au gros orteil qui allait confiner à un cancer généralisé fatal), mais surtout parce que ce métis prôna au fil de sa vie bien courte l’amour et la paix. Le tout bien entendu avec cette musique, arme redoutable dont son contemporain Nigérian Fela s’en était tout aussi servi, quoique pour des raisons différentes.
Le mérite de Macdonald aura été de ressusciter les images d’archives éparses et de les rassembler avec bonheur dans ce documentaire où presque ceux qui ont compté dans la vie du reggae man ont témoigné. L’on voit ainsi un fils illégitime, d’ailleurs pas reconnu par son père blanc d’origine anglaise, souffrir le martyre de ces enfants rejetés. Ce qui, mal pour un bien, le renforce dans son envie de se distinguer au moyen de la musique. De musique justement, il en prend goût et décide d’en faire son métier lorsqu’il rencontre Neville «Bunny» Livingstone à Trench Town, le quartier malfamé de Kingston où il émigre avec sa mère Cedella à 12 ans, en provenance de St Ann. A 16 ans, il enregistre son premier disque où son art du texte est remarqué. Et déjà, il y fait savoir sa détermination en chantant que «quand la musique s’empare de toi, tu ne souffres plus».
Un postulat qu’il mettra un point d’honneur à faire vivre, peut-être inconsciemment, le long de sa brève existence terrestre. Et qui lui servira pour faire face à l’escroquerie de ses producteurs exécutifs, car lui aussi en a souffert ; surtout que le succès est arrivé très vite. «Simmer Down» qui sort en 1964 en est une bonne preuve. Ambitieux comme pas d’eux, il ne se contente plus d’être au sommet des charts jamaïcains, et veut conquérir le monde avec son groupe The Wailers qu’il forme avec Bunny en recrutant Peter Tosh. Même les démons de la division toujours prompts à saper ce genre d’initiative n’auront pas raison de la détermination d’un Marley qui, contre vents et marées, aura l’œil vissé sur son objectif comme un gamin qui tient à son jouet.

 

Lors du concert de réconciliation de Kingston.
Au fil du film, Marley, humain comme pas d’eux et en s’appuyant sur les prescriptions du rastafarisme, apparaît comme un recours pour nombre de laissés pour compte à qui il donne sans compter. L’on voit aussi que le grand timide accumule les aventures qui bien que malheureuses pour sa compagne officielle et choriste Rita s’avérera utile à sa mort subite puisqu’elles lui auront permis de laisser à la postérité en plus de ses œuvres éternelles 11 enfants. Pour ce qui est de l’esthétique, l’on voit la progression du ska à une mixture joyeuse et chargée de spleen qui convoque aussi bien le blues, le jazz, le rock que les musiques de Jamaïque. Avec aussi une influence décisive d’un Joe Higgs qui avait pour talent une oreille unique et un sens de l’harmonie musicale doublé d’une capacité d’arrangements tout aussi unique. L’adjonction des chœurs (I-Three) après les départs de Tosh et Livingstone en 1974 sonne comme le parachèvement d’un puzzle difficile. Le tout mâtiné de cette croyance en l’Afrique et en Hailé Sélassié comme la réincarnation du Christ. Un continent qu’il ne découvrira qu’au soir de sa vie avec une tournée au Gabon d’abord et un concert mémorable à Harare pour l’indépendance du Zimbabwe et financé par ses soins.
 A défaut de mourir sur scène comme sa maladie l’avait laissé entrevoir, Marley mourra loin des sunlights. Son chemin de croix commencera avec le verdict sans appel des médecins, suivi d’une escapade médicale en Bavière en RFA avant de revenir aux États-Unis où les siens feront un adieu à celui qui a refusé d’écrire son testament, non parce qu’il ne le pouvait pas, mais parce qu’il refusait l’idée qu’il était condamné et surtout parce que le meilleur héritage qu’il laissait à l’humanité n’avait pas besoin de testament. Et les images du générique le montrent bien : aux quatre coins du monde, plus de 30 ans après le décès de Marley, sa présence est aussi omniprésente que jamais. Une sorte d’église universelle en droite ligne de son vœu ultime à savoir «Que l’humanité vive en paix». Amen !
Marley de Kevin Macdonald, Tuff Gong Pictures Production, 2012, 2h 24’

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