Hommage
La compagnie basée à Bafoussam a lu et mis en scène
les textes de l’auteur français le mois dernier à Yaoundé.
Lectures à la bibliothèque de l'IFC |
Jean Cocteau fait partie de
ces auteurs français dont on parle très souvent avec emphase sans pour autant
avoir lu, ou suffisamment lu. Une sorte d’injustice que la Compagnie Feugham de
Bafoussam a voulu quelque peu conjurer en mettant en espace et en lecture
quelques unes des œuvres de cet auteur prolifique et artiste de génie dont
l’amitié avec la chanteuse Edith Piaf a été telle qu’il a succombé d’une crise
cardiaque quelques heures seulement après le décès de celle-ci. C’était le 11
octobre 1963.
Cette commémoration, c’en
était bien une, a commencé à la médiathèque de l’Institut français. Où la
Compagnie avait par le passé déjà lu des textes de Boris Vian ou de Jean de la
Fontaine. Pour cette nouvelle rencontre avec les férus de lecture, Kouam Tawa
et Wakeu Fogaing ont choisi des extraits de «La difficulté d’être». Non sans
que, et pour la gouverne du public, le premier ait commencé par un texte de
présentation succincte de ce touche à tout de génie qu’était Cocteau. Son
compère pouvait alors continuer avec la lecture proprement dite. Qui a permis
pour ceux qui n’ont pas lu Cocteau de découvrir une parole éruptive d’un auteur
madré, en proie à une solitude dans une retraite de convalescence. D’où il
règle quelques comptes à cette bourgeoisie prompte à n’utiliser la bouche que
pour manger et dont le monde aseptisé n’est pas du goût de Cocteau.
Au fil des textes convoqués,
l’on en apprendra également sur la conception de l’amitié par Cocteau, lui qui
après avoir côtoyé la haute classe et fréquenté les salons huppés a fini par
rejoindre la plèbe. Sans toutefois perdre ses amis au rang desquels un certain
Picasso dont il fait l’éloge dans ses écrits. Cocteau semble aussi avoir pris
conscience de son incompréhension par ses contemporains, lui qui le premier
reconnaissait que sa polyvalence n’était pas pour plaider en sa faveur au
moment d’attirer les faveurs du public. Toujours en écoutant Wakeu Fogaing lire
Cocteau, notamment sur le chapitre de la lecture, il est apparu que souvent, le
lecteur n’est pas prêt à recevoir le message de l’auteur. Lui si prompt à
critiquer alors qu’il gagnerait à relire avant de lâcher son venin.
Mise en espace de 'L'école des veuves' |
La 2è partie de cette
commémoration allait avoir pour théâtre la salle de spectacle de l’IFC. Où la
mise en scène du «Théâtre de poche» par Kouam Tawa a révélé un autre visage de
Cocteau. Avec des pièces de courte durée, l’on a appris sur les combats d’un
auteur ainsi que les intrigues qui sourdent dans les ménages. Rien de bien
nouveau sauf peut-être la façon de les décliner qui déclenche le rire tout en faisant
réfléchir. Les comédiens de la Compagnie ici ont été au rendez-vous, notamment
cet Armstrong Choupo qui depuis son passage à Yaoundé dans un one man show
(«L’unique chose à dire», un magnifique texte de Wakeu Fogaing) avait laissé
entrevoir un talent certain. Ceux qui étaient au spectacle ont sans doute
remarqué qu’il gagnerait à retourner plus souvent sur les planches. Tout comme
Denise Djuikom.
Des performances qui ont
sonné comme une invite à relire Cocteau. Ce qui n’est pas une mince victoire pour
cette compagnie qui, à l’annonce du spectacle avait soulevé chez quelque
spectateur une inquiétude à pouvoir s’attaquer sans conséquence à la montagne
Cocteau. C’était sans compter que redonner ses lettres de noblesse à un auteur
d’envergure est chevillé à Feugham qui avait déjà rappelé le souvenir du
Guinéen Williams Sassine en ce même lieu en 2011. Sans compter que depuis près
de deux décades, cette compagnie basée à Bafoussam s’échine au fil des
créations et des lectures à faire vivre l’art avec les moyens du bord avec à la
clé une reconnaissance internationale d’un travail qui, on l’espère, finira par
convaincre au Cameroun.
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