Carnet de route
Rencontres professionnelles au CCF. |
L’Afrique fourmille de projets aussi
inventifs les uns que les autres. Hier au Centre culturel français d’Abidjan
(CCF), leurs porteurs les ont présentés dans le cadre de la bourse des projets
du MASA. Autour du promoteur des Récréâtrales Etienne Minoungou qui faisait
office de modérateur, ils sont venus de tous les coins du continent pour
échanger avec le public d’artistes, d’expert et de curieux. Avec en ligne de
mire le désir affirmé de «créer des liens et provoquer des intéressements»,
comme n’a pas manqué de le répéter Minoungou dont la tâche a été facilité par
le respect du timing des orateurs qui ont aussi pris le temps de répondre aux
questions dans la foulée avant de continuer les échanges en off.
Parmi les panélistes du jour, il y en
avait qui provenaient des institutions internationales, des Etats et bien sûr
du secteur privé. Et même si la conjoncture économique et sociale a souvent
constitué une pesanteur lancinante, de les voir ici a démontré par l’exemple
que l’Afrique créative n’était pas morte et que l’avenir n’est pas forcément
sombre. Au cours des échanges, d’aucuns en ont profité pour rectifier leurs
orientations ou pour les affiner. Pour ma part, je suis reparti la tête
bourdonnante, mais heureux. Surtout qu’au Congo se prépare, à en croire le
directeur des arts et de la culture de ce pays-là, un gigantesque projet de
soutien à la créativité au travers de la mise sur pied d’une cité de la musique
ainsi que du soutien aux initiatives privées comme le festival Mantina sur
scène du metteur en scène Dieudonné Niangouna qui a récemment fait mouche au
festival de théâtre d’Avignon avec son spectacle de cinq heures intitulé
Schéda. Un projet qui pourrait inspirer le Cameroun voisin
A la fin des échanges, je me suis
entretenu avec quelques experts avant de prendre la direction du village du
festival en compagnie de ma célèbre compatriote Were Were Liking auprès de qui
m’avait introduit quelques temps plus tôt le grand frère Michel Ndoh, ancien
manager à l’espace Ki-yi et actuellement président de l’association Sandja au
Cameroun où il milite pour une plus grande résonance et prise en considération
des arts. Avec lui, je suis d’ailleurs fortement impliqué dans les activités du
REPAC qui porte le festival Le Kolatier
dont le dernier exercice a été plus que concluant en novembre dernier à Yaoundé.
Au village, nous avons pris notre
déjeuner avant de prendre la direction de Rivera II dans le quartier de Cocody.
Là-bas, j’ai découvert –enfin !- le village Ki-Yi Mbock. Que j’ai visité
avec une gourmandise certaine, accompagné que j’étais par la reine mère en
personne. J’y ai vu un petit musée où les tableaux de Were Were côtoyaient les
sculptures provenant de différents pays d’Afrique. J’y ai vu une salle de
spectacle d’une profondeur et d’une hauteur répondant aux normes
internationale, avec une capacité de 250 places environ réparties sur un
orchestre et un balcon. Les résidences d’artistes n’étaient pas en reste. Tout comme
le petit amphi qui sert aux répétitions et autres créations. Puis, je me suis
entretenu avec la maîtresse de céans qui, bien que devant jouer dans moins de
deux heures, a accepté de me parler de cette initiative qui a pu défier une
guerre terrible dix ans durant avant de songer à un nouveau départ avec pour
locomotive la célébration de son trentenaire cette année.
Reines
mères et spiritualité
Le hasard du calendrier aidant, j’ai
foncé vers l’ancienne mairie du quartier une fois le visionnage d’une vidéo sur
l’œuvre de la Fondation Ki-Yi terminée. Où les spectacles au programme ont pris
du retard à l’allumage. Vers 22h, les reines mères (Were Were Liking et Nserel
Njock) ont pu enfin monter sur la scène. Pour un show musical à couper le
souffle. Où l’assiko camerounais répondait en écho au ziglibiti ivoirien avant
de céder la place à la fusion et uu jazz. Pour moi qui voyait were Were sur
scène pour la première fois, ce fut à la fois un émerveillement et un régal. Elle
dont la musique et le chant transpirent un magnétisme et une spiritualité qui
vous transportent dans une Afrique traditionnelle dont le parfum n’irradie que rarement
jusqu’à la ville. Cerise sur le gâteau, les reines mères rappent et dansent
comme personne, avec une énergie de jouvence, et sanglées dans un costume traditionnel
sobre mais imposant. Oublié le poids de l’âge et les difficultés d’une vie
parfois tumultueuse mais toujours exaltante. Un moment de pur bonheur pour moi
et un signe que décidément le Cameroun est une mère qui a toujours su engendrer
des artistes variés et hors du commun.
Lorsque vers une heure du matin Tonton
Michel nous a raccompagnés, Monique et moi, j’ai senti comme un appel de l’Afrique
profonde à toujours poursuivre cette voie de donner voix aux arts africains,
seuls capables de permettre au continent berceau de l’humanité de redorer un
blason terni par des conjonctures inextricables et finalement fatales pour sa
dignité et le rang qui devraient être les siens. En me levant ce matin, j’ai
pris conscience de ce que la voix africaine ne doit jamais se taire. Et même si
les couacs n’en finissent plus de se multiplier sur cette terre hospitalière,
nos arts et notre culture continueront de constituer le ferment du salut
mondial. En ce sens-là, que le MASA ait pu trouver les ressources de repartir
ne peut que constituer une bonne chose. Certes l’allumage a eu du mal à prendre
mais le plus important finalement n’est-il pas que cet esprit de l’expression
artistique tous azimuts en ce lieu meurtri par la folie des hommes soit
effective et contribue à ouvrir les yeux sur les possibilités nouvelles à ce
pays où nombre d’artistes continentaux ont affiné leurs armes avant de prendre
d’assaut la scène mondiale ? Question à un franc que chacun peut méditer.
A demain !
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