Musique
Le
virtuose trompettiste français Collignon a réveillé les jazzophiles groggys de
la capitale mercredi dernier.
Aux jazzophiles de
Yaoundé, il manquait ça ! Une soirée où ils seraient entraînés sur les sentiers
multiples et infinis d’une musique que l’on ne savourait à Yaoundé plus que par
intermittence depuis la disparition des festivals à lui consacrés. Mercredi 18
avril, quelques semaines seulement après un concert d’un quartet camerounais
nouvellement formé, l’Institut français du Cameroun (Ifc) a remis ça. Cette fois-ci
avec un autre quartet venu de la France.
Et au bout de deux heures
d’une performance qui a parfois frôlé le sublime, ce groupe constitué d’un
contrebassiste, d’un batteur, d’un pianiste et d’un trompettiste a mouillé
chemise. C’est quoi le jazz déjanté en fait ? Est-ce du jazz pop, du jazz
punk, du jazz rock ? Pas question de se fendre le crâne avec ses
questions. Car Médéric Collignon, artiste de l’année aux Victoires du jazz en
2010, et ses compères ont associé tout cela. En partant bien sûr des
fondamentaux. C’est ainsi qu’un parfum de Miles Davis, celui du jazz électrique
du début des années 70, a plané sur la soirée. Tout comme une invocation du
pianiste Herbie Hancock.
Un retour qui a mieux
conduit les instrumentistes vers d’autres sphères rythmiques comme la soul, le
rock et même le high life. De cette soirée, on retiendra surtout la folie contagieuse
de Médéric, son art de la trompette, ses jeux vocaux ainsi que sa verve
improvisée, ses expérimentations vocales et électroniques. Car l’homme est
capable de produire des sons insoupçonnés avec une rapide vitesse d’exécution. De
sa voix, il produit des sons inimaginables, la transformant et la déformant au
gré du tempo et de son humeur. Un vrai caméléon capable de rompre avec bonheur
un certain iconoclasme que l’on croyait indécrottable du monde du jazz.
«jazz
déjanté»
Le rendu fût ainsi parfois
bruyant. Sans que l’on ne retrouve à redire tant l’harmonie instrumentale était
des plus maîtrisée. Il y eut aussi beaucoup de cadences, de ruptures, de départs
en trombe ou de bifurcations inattendues. Toujours dans une bonne humeur et une
concentration qui a déteint sur un public savourant jusqu’à la lie une partie
enchantante à maints égards dans une fièvre du mercredi soir. Le chef de bande
pour sa part a été digne de son statut. Offrant une performance individuelle
qui a positivement rejailli sur l’ensemble.
Oui il y a chez cet
instrumentiste polyvalent quelque chose d’Africain. Cette façon de se laisser
pénétrer par le beat, de partager sa bonne humeur avec le public, de jouer à
partir de postes différents comme dans un théâtre total propre au continent
noir, de communiquer cette bonne humeur au reste de l’équipe, de souffler dans
sa trompette avec rage et calme à la fois ont contribué à faire croire au
public africain présent qu’il était l’un des leurs. Toutes choses qui ont
amplifié son pouvoir artistique imaginatif et sans limites et ainsi bonifié l’ensemble
des créations de la soirée. D’ailleurs, il ne s’est pas privé de revenir deux
fois après le rideau pour continuer de communier avec ses nouveaux fans. Comme
s’il voulait suspendre ce temps qui n’est pas si précieux que ça dans la
culture africaine profonde.
Au bout, cet éclectisme
musical de bon aloi a ramené au goût du jour la question de la place du jazz,
musique d’Afrique par excellence à Yaoundé. Mais là est une autre histoire que
l’avenir se fera l’honneur et même le devoir de rectifier. En sortant de ce «jazz
déjanté», on a même oublié le bourdonnement des premières minutes du concert
pour ne retenir que le jeu des instrumentistes et le voyage impossible qu’il a
instillé chez des mélomanes conquis.
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