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lundi 23 avril 2012

David Noundji: C’est le théâtre qui m’a fait


Théâtre

Après 30 ans de pratique et des lauriers, le comédien n’est pas prêt de faire ses adieux et continue de tracer son sillon depuis Yaoundé.

Ceux qui l’ont récemment vu sur scène peuvent le confirmer : les années n’ont pas eu raison du talent de David Noundji. Lui qui prend toujours un grand soin à bien assimiler son texte et à satisfaire aux désidératas du metteur en scène sans chialer ni regimber. Avec son dernier mono «Verre cassé», une adaptation de l’œuvre éponyme et à succès du Congolais Alain Mabanckou mis en scène par sa complice Louise Belinga sous la bannière de la Compagnie Bena Zingui, David Noundji s’éclate, au propre comme au figuré, passant des salles plus exiguës comme le Centre culturel Francis Bebey ou l’Othni aux planches plus réglementaires comme celle de l’Institut français du Cameroun.
Un numéro dans lequel il mord à chaque fois comme un gamin une tranche de pastèque. Avec un plaisir qui n’a d’égal que son amour pour le théâtre et son vœu de ne pas le voir mourir comme peut le laisser croire la rareté de spectacles de niveau sous le ciel camerounais. Comment pouvait-il d’ailleurs en être autrement pour ce comédien qui pratique le théâtre depuis quasiment le berceau et qui est né un 23 décembre ? «Je suis arrivé au théâtre par les récitations, mieux les récits de Noël, raconte-t-il l’air très sérieux. Du temps de mon enfance, la naissance de l’enfant Jésus était un moment important dans les villages, un moment extra où il fallait mettre en scène l’arrivée du fils de Dieu au monde». C’est ainsi qu’au fil des célébrations de la fête de la nativité, il se signalera par sa capacité à assimiler ses textes et à bien les rendre.  Cela d’une bourgade à une autre.
De Bafang à Bangoua en passant par Bazou dans la région de l’Ouest du Cameroun, et alors que l’atmosphère est des plus tendus du fait de la lutte contre les derniers nationalistes de l’Union des populations du Cameroun dont le leader Ernest Ouandié est originaire de la région, le petit David fait ses gammes dans les chapelles avec l’insouciance qui sied à son âge. A chaque rendez-vous, il s’attèle à faire honneur à sa réputation et à satisfaire ses mentors et le public. Un bonheur n’arrivant jamais seul, le voilà qui, son certificat d’études primaires et élémentaires (Cepe) en poche, prend une inscription au Ces de Bagangté où il croise la route d’un certain Gaston Nguetsa, actuel inspecteur national des arts au ministère des Enseignements secondaires. Ce dernier vient de mettre sur pied une troupe scolaire et a pour disciple dans sa classe de français le petit David. Un garçon qui n’a pas perdu sa facilité pour les récitations. Cela tombe bien puisque l’un des cours de M. Nguetsa est justement… la récitation. Ses bonnes notes lui ouvrent alors les portes de la troupe sous l’œil de son prof. «Malgré mon jeune âge, j’étais régulièrement distribué dans les créations de la troupe», se souvient Noundji. S’enchaînent alors des pièces devenues depuis des classiques du théâtre camerounais comme «Jusqu’à nouvel avis» ou «La secrétaire particulière».
Planches et études
Si David se donne à fond sur les planches, il n’oublie pas ses études. Et alors qu’il s’apprête à faire le déplacement de Bafoussam pour y fréquenter l’unique lycée de la région, voilà que son établissement en devient un suivant la volonté des autorités scolaires de Yaoundé. David continue donc son apprentissage, sans se faire aucune illusion. Déjà, c’est la Terminale et le Bac. On est alors au début des années 80 et l’adolescent doit aller poursuivre ses études à l’unique université d’alors du pays qui est à Yaoundé. Il y va sans véritablement savoir quelles humanités il compte poursuivre. Il a tout de même des appréhensions vu qu’il va bientôt vivre hors du cocon familial et dans une grande ville. Mais, se dit-il, impossible n’est pas Noundji et on va voir ce qu’on va voir.
C’est alors -providence ?- qu’il va croiser «fortuitement», tient-il à préciser, Tadie Tuene dans les couloirs du décanat de la Faculté des Lettres. «Pendant notre échange, il va me conseiller de prendre en option l’art théâtral, alors que moi j’avais un faible pour la langue de Goethe.» il s’inscrit donc en langue française dans l’option que lui a conseillé Tadie Tuene. Un conseiller qu’il va bientôt retrouver au Théâtre universitaire, une compagnie que la Française Jacqueline Leloup, après des états de services plus que concluants au Lycée du Manengouba à Nkongsamba, a mis sur pied avec la complicité des autorités universitaires il y a seulement quelques années et qui est doucement en train de se hisser vers les sommets.
A son bureau à Ekoumdoum, David Noundji feuillette l’album souvenir de cette époque avec beaucoup de plaisir. Prenant même le soin de s’arrêter sur chaque complice de la troupe universitaire comme les François Bingono, Elisabeth Mballa Meka, Keki Manyo, Abessolo Mbo, Félix Kama, Alex Stéphane Ewané, Tabiapsi… «Pour moi qui venais de Bagangté, c’était à la fois une joie et un défi d’appartenir à cette compagnie ; je découvrais alors ce qu’est le théâtre pour de vrai. J’étais heureux et me suis mis au travail.» Et de travail il y en a vu que Mme Leloup tient à mériter la confiance des autorités et à faire du Théâtre universitaire une troupe professionnelle. C’est ainsi que les répétitions ont lieu quatre fois par semaine (lundi, mercredi, vendredi et samedi) avec une rigueur plutôt allemande. «C’est de ce travail acharné que naît la réputation de cette troupe. Mme Leloup insistait sur le travail physique bien sûr, mais aussi sur la qualité visuelle de l’ensemble. Il nous arrivait ainsi de répéter une réplique une centaine de fois !»
Une besogne pour laquelle il survivra, et même plutôt bien si l’on considère la suite. Mais avant toute chose, le comédien explique : «je dois une fière chandelle à mes aînés du théâtre universitaire qui nous ont pris sous leurs ailes protectrices et nous ont encadré de la plus belle des manières». Un encadrement idoine qui lui permettra de bien figurer au générique du «Regard du roi», sa première pièce. D’autres suivront au fil des ans comme «Le testament du chien», «Meyong Meyeme», «Gueïdo»… Des créations qui demanderont tout le talent de la vingtaine de jeunes étudiants de la troupe ainsi que des moyens financiers inimaginables même aujourd’hui. Du fait de la confiance des autorités, des moyens financiers sont ainsi mis à contribution. «Je me souviens que rien que pour les costumes, il arrivait que l’on dépense jusqu’à un million et demie !»
Jacqueline Leloup
Décidément, rien n’était refusé à Mme Leloup qui était une mère poule pour les membres de la troupe qu’elle couvait de tout son dévouement pour le théâtre et qui n’était pas moins pointilleuse sur le rendu des spectacles. «Je dois cependant avouer que son principal trait de caractère était sa rectitude morale», se souvient Noundji. Une attitude qui aidera ce dernier à franchir un nouveau palier. Il raconte. «En septembre 1984, la troupe se prépare pour son premier voyage à Limoges. Durant des semaines, la troupe est en répétition sans moi, vu que je ne suis pas sélectionné. Une dernière répétition est prévue un samedi et c’est le moment que choisit une comédienne pour s’en aller dire au revoir à sa famille. Elle sera remplacée quelques jours plus loin ainsi qu’un autre comédien dans la même situation par moi-même, sans état d’âme ! »
Commence alors une carrière faite de succès en Europe et en Afrique. Avec des lauriers souvent comme au Festival du théâtre scolaire de la francophonie d’Abidjan en 1988, l’ancêtre du Marché des arts et du spectacle africains (Masa). Au retour de cette expédition, le chef de mission, un certain Jean Tabi Manga sera nommé à la direction de l’Ecole normale supérieure et interviendra pour que Noundji, qui vient d’être recruté à la Fonction publique comme prof de français parmi les 1500 nouveaux fonctionnaires recrutés par décret, ne soit pas affecté à Yokadouma. Ce sera peine perdu, même si au bout d’un an, Noundji retrouvera la capitale. Mais avec le départ de Mme Leloup et la crise économique, le Théâtre universitaire a perdu de son âme et de sa superbe. Le nouveau responsable de la troupe penche pour le théâtre classique et le délitement commence.
Une autre carrière s’ouvre alors pour le prof de français qui va donner un coup de main à François Bingono qui vient de mettre sur pied son centre de formation Alabado Théâtre qui a pris ses quartiers à la radio nationale et d’où sortiront les Wakeu Fogaing et Martin Ambara. Là, il rend aux cadets ce qu’il a reçu. Au bout de quelques années et avec la fermeture de cet espace pédagogique du théâtre, il rejoint Louise Belinga qui travaille dans le cadre du théâtre du développement avec sa troupe dénommée Bena Zingui. Déjà, l’envie des planches est de retour et Noundji lui laisse laisse carte blanche. Ce sera donc «Minkul Minem» de son vieux pote Félix Kama qui lui permettra d’essayer, 15 ans après ses débuts le mono. Avec de nouveau le succès vu qu’il fera impression au Masa 99 après les salles camerounaises et avant des dates en France et en Afrique.
L’année d’après, c’est en duo avec Martin Ambara qu’il part en tournée africaine et italienne dans la pièce «L’épopée d’Angon Mana» d’Ayissi Nkoa avec un passage remarqué au Masa 2003. Le spectacle bénéficiera même du Compte d’affectation spéciale du ministère de la Culture. «Avec Minkul Minem, j’ai connu de nouvelles sensations comme celle de jouer dans une chambre d’hôtel, près des piscines dans des salons, etc.» Suivront d’autres créations jusqu’à ce «Verre cassé» qui était en fin d’année dernière en représentation au Tarmac des auteurs à Kinshasa. Des rendez-vous qui n’occultent pas ceux qu’il a régulièrement avec son ami Léonardo Gazzola, un Italien avec qui il a goupillé un stage de conte avec les ressortissants de leurs deux pays depuis 7 ans maintenant.
Il continue également d’enseigner au Lycée de Mfou. Tout comme il a décidé depuis quelques années de faire d’une partie de sa concession à Ekoumdoum un centre culturel avec salles de spectacle, cases de passage pour les artistes et bureaux. Car «je pense que je dois donner au théâtre tout ce qu’il m’a donné». Une belle formule qui en dit long sur l’avenir de celui qui se dit déterminé à faire du théâtre encore longtemps. C’est tout le mal, vu ses états de service dans l’art, que l’on peut lui souhaiter.
Parfait Tabapsi

Repères
23/12/1960 : naissance à Bafang
1982 : rejoint le Théâtre universitaire
1984 : premier voyage en France
1988 : recruté à la Fonction publique comme prof de français
1992 : formateur à l’Alabado Théâtre
1996 : rejoint la Compagnie Bena Zingui
1999 et 2003 : participation au Masa
2010 : création de «Verre cassé»

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