Littérature
Dans son livre-enquête, Megopé Foondé sonde avec une certaine réussite
le mystère des noms des espaces habités. Surprises au menu.
«Douala, Toponymes, histoire et
culture» fait partie de ces livres que l’on lit d’un trait, mais pas une seule
fois. Car la foultitude d’informations qu’il renferme vous autorise à y
recourir très souvient, surtout pour qui, comme les journalistes ou les sociologues,
cherche à comprendre les lames de fond qui travaillent la fronde et la défiance
qui vont comme un gant à cette métropole. Car si Douala est resté dans la
mémoire collective des Camerounais comme le lieu d’expression de ceux d’entre
eux qui n’ont jamais rechigné à rester debouts, c’est bien qu’il doit y avoir
une explication.
En lisant ce livre, remonte à la
surface au fil des pages l’envahissement, c’est le cas de le dire, d’un espace
qui n’était pas préparé à recevoir autant de monde. Une immigration qui a eu,
ajoutée à une conjoncture qui s’y prêtait, le don de laisser les autorités
municipales, administratives et politiques sur le bord du chemin. A tel point
que délimiter le territoire même de cette ville cosmopolite relève aujourd’hui
d’une véritable gageure. Jean Philippe Megopé Foondé n’a certainement pas tort
d’ailleurs quand il affirme, à la conclusion de ce travail titanesque, que
«Ecrire sur Douala, c’est comme photographier un enfant. Le temps d’un déclic,
l’enfant a changé.»
Ici plus qu’ailleurs en effet, le
temps est compté. Et les désignations de quartiers suivent le mouvement
puisqu’il faut bien donner un nom à un espace quand des familles y prennent
abri. Un travail qui mérite d’être salué. Car si l’auteur voulait assouvir une
curiosité personnelle, il a commis une tache herculéenne. D’abord par la source
documentaire convoquée et qui conforte sa thèse sur certaines situations
«compliquées». Ensuite, il y a ce travail de terrain qui, tel que savent le
faire les bons romanciers, a consisté en l’écoute des anciens. Et si au finish
il reste des quiproquos sur certaines appellations, Megopé Foondé n’a pas à
rougir, car c’est la preuve même que ce chantier toponymique gigantesque doit
être poursuivi.
Les écrivains, les chercheurs de
tous ordres, tout comme les artistes, trouveront en ce livre matière à féconder
leur travail. Ce d’autant plus que d’une part la ville continue de s’étendre
jusqu’aux confins d’une autre, mais aussi parce que malgré ce livre, la
lisibilité de Douala continue de poser problème comme on peut le constater avec
l’adressage urbain. On peut simplement regretter au bout du compte que la
pédagogie que pratique l’auteur au quotidien l’ait sans doute amené à être
parfois répétitif. Ce qui n’est pas bien grave pour cette bouteille à la mer
qui mérite d’atterrir chez les destinataires que sont les habitants de Douala
et les chercheurs et artistes. Alors pourra commencer ce travail sur notre
mémoire que l’on a beau jeu de repousser à plus tard. Mais comme le dit un
adage, le malheur est sur le chemin de celui qui renvoie tout à demain.
Parfait Tabapsi
Jean Philippe Megopé Foondé,
Douala, Toponymes, histoire et culture ; Yaoundé, Editions Ifrikiya,
novembre 2011 262 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire