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mardi 19 février 2013

Etats-Unis: des prisonniers sans droits



Cinéma

Mme Bigelow pendant le tournage.

Dans son dernier film, Katryn Bigelow démontre comment la plus grande démocratie du monde use des méthodes illicites dans sa croisade contre un ennemi toujours plus insaisissable.


Au sortir de ce film, comment ne pas imaginer la joie des féministes, s’il en existe encore par ces temps d’égalité proclamée ? Oui, avec Zero Dark Thirty, Katryn Bigelow a non seulement confié le premier rôle à une dame, Maya, mais a reposé la traque de l’ennemi public numéro un des Etats-Unis sur elle. Certes elle n’a pas le pouvoir de décision, mais sa capacité de persuasion, son abnégation et sa détermination ont finalement eu raison de ses supérieurs qui, suivant son intuition, ont finalement capturé et exécuté Oussama Ben Laden, cauchemar sans doute inégalé des nuits des populations et des dirigeants américains sur les cent précédentes années au moins.
Cela dit, venons en au film en lui-même, ou si l’on veut l’idéologie derrière les intentions de la réalisatrice. C’est quoi finalement la guerre par ces temps de démocratie tous azimuts ? Depuis George W. Bush et sa fameuse guerre «pré-emptive» -trouvaille malheureuse au demeurant- on sait que plus rien dans les rapports de guerre n’allaient plus être comme avant. Car comme l’avait dit le prédécesseur de Barack Obama lui-même au reste du monde, sous un ton menaçant, «si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous». Ce à quoi d’ailleurs un éditorialiste parisien avait rétorqué par cette interrogation depuis passé à la postérité : «Tous américains ?». Avec ce long métrage de 2h 30, Mme Bigelow nous invite à un voyage dans un univers qu’il est difficile d’imaginer pour le citoyen américain normal. Où sont donc passé les droits des prisonniers qui, soit dit au passage, n’ont pas de chef d’inculpation clair ? Oui, ont-ils seulement des droits quand on leur extorque des aveux au bout de tortures que la décence interdit de décrire ici ?  
Maya en pleine méditation.
Certains tenants de l’idée de la paix à tout prix argueront de ce que cela a produit comme résultat la capture du terroriste le plus dangereux de tous les temps. Soit et encore… Mais cela autorise-t-il de se conduire ainsi pour le «gendarme du monde» qui, jusqu’en janvier dernier a dépensé plus de 3 milliards de dollars dans une traque qui n’a vu que la moitié des cibles déterminés par lui au lendemain des attentats du 11 septembre être capturés et/ou tués ? Il est permis d’en douter. Car ce faisant, quel exemple donne ce pays au monde sur la condition humaine ? Lui qui n’a de cesse de marteler les idéaux du respect de la personne humaine, et partant de sa dignité. Terrible contraste d’une Amérique pas si puissante que ça comme nous le montre le film. Oui, on peut tenir tête à cette puissance première avec des technologies aux antipodes des siennes. Cela au moins, on l’aura appris en regardant ce film qui est tout sauf ennuyeux. Un film qui renseigne aussi sur ce que pour résister aux Américains, il faut être au moins aussi déterminé qu’eux. Maintenant qu’ils ont exécuté l’ennemi numéro un, que feront-ils des fanatiques de Ben Laden ? Ainsi que de tous ceux qui ne voient que d’un mauvais œil son hégémonie ? D’autres films à venir nous permettront à coup sûr d’en savoir un peu plus, si ce n’est de faire le point. Au moins provisoirement.
Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow ; scénario de Mark Boal ; avec Jessica Chastain, Jason Clarke, Joel Edgerton, Jennifer Ehle, Mark Strong, Kyle Chandler, Edgard Ramirez et James Gandolfini ; Annapurna Productions, First Light Production, Mark Boal Production ; Etats-Unis, 2012, 2h 36.

Parfait Tabapsi

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