Littérature
Avec Le terroriste
noir, Monénembo rend hommage à un soldat africain qui organisa un maquis de la
résistance pendant l’occupation allemande.
Pour moi qui n’avais encore
jamais lu Tierno Monénembo, Le terroriste noir a été une belle rencontre. Une de
celles qu’on oublie difficilement quand on est passionné par la littérature et
l’Afrique, ce continent dont on n’a décidément pas fini de raconter ou de
romancer l’histoire des héros qui au fil des œuvres, et qui épousent des
batailles et des causes humaines tout simplement. Avec son dernier roman,
Monénembo met en scène dans un village français, et ce durant trois ans, la vie
d’un tirailleur d’origine guinéenne qui du haut de son expérience militaire
organisa la résistance à l’occupant allemand. Ce «Quelqu’un qui, à un moment où
sa race passait pour la plus vile de l’humanité, a réussi à s’imposer sur tout
un canton de France» (P.178) Un militaire fier et sociable à souhait qui en ce
laps de temps a réussi à marquer l’histoire d’un village des Vosges au point
d’être reconnu bien de décennies par la municipalité qui érigera un monument en
sa mémoire.
Sur le plan esthétique, l’auteur
a choisi le je narrant placé dans la bouche d’un tiers, en l’occurrence une
admiratrice de ce héros de la résistance. Mais il n’y a pas que cela ! La
narration est bien ancrée dans le parler local de la langue française qui en
rajoute sur la vraisemblance. Il y a certes quelques zones d’ombre où le
lecteur aurait aimé en savoir davantage, mais cela accroit l’intérêt de la
lecture. Si bien qu’à la fin toute l’histoire est reconstituée dans la tête du
lecteur.
Pour ce qui est des leçons que le
livre suggère, il y en a plusieurs. D’abord l’esprit de solidarité que les
villageois auront manifesté à l’égard d’Addi Bâ en le recueillant, en lui
offrant gîte et couvert, en le couvrant de leur affection et en le protégeant
de leur mieux de la menace allemande constituée de la Gestapo et de l’armée de
Hitler qui sillonnaient en ces temps d’occupation le village et le voisinage.
Addi Bâ à son tour le leur a bien rendu en ayant un comportement des plus
sains. Ne cherchant pas par exemple à profiter des avantages de l’uniforme,
mais mettant son expérience en faveur de l’organisation d’un maquis structuré à
la barbe de l’occupant qui finira malheureusement par le démasquer à partir
certainement d’une trahison qui demeurera un mystère. De voir ainsi un village
français être solidaire d’un Africain en ces temps de colonisation tous
azimuts, de guerre et d’occupation ne peut qu’interroger sur la tolérance qui
semble avoir foutu le camp chez les officiels français 50 ans plus loin.
L’autre leçon que l’épopée de Bâ
dans les Vosges enseigne c’est que le désir de liberté et de libération n’a pas
de frontières et que tout le monde peut y contribuer en jouant sa partition.
Certes d’autres œuvres ont montré comment la France dût son salut aux
étrangers, notamment avec le débarquement de Normandie, mais de voir ainsi un
soldat d’origine africaine organiser le maquis de la résistance dans le pays
profond n’est pas courant dans l’univers de la créativité artistique et
littéraire. Ce faisant, le livre pose la lancinante question du sort de ceux
qu’on appela les tirailleurs ; eux qui continuent à jouir de broutilles à
côté de leurs camarades français. Ce sort-là continuera-t-il e durer et de les
apitoyer ? Monénembo a pour sa part ouvert la voie de la reconnaissance
tout au moins, avec en filigrane, on le devine, l’espoir que les gouvernements
français iront plus loin. C’est à ce prix-là sans doute que cette autre
blessure de la 2è guerre mondiale sera pansée.
Parfait Tabapsi
Tierno Monénembo, Le terroriste noir, Paris, Seul, août 2012, 230 pages