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lundi 10 février 2025

Jazz éclectique à Yaoundé

Musique

Le virtuose trompettiste français Collignon a réveillé les jazzophiles groggys de la capitale mercredi dernier.
Aux jazzophiles de Yaoundé, il manquait ça ! Une soirée où ils seraient entraînés sur les sentiers multiples et infinis d’une musique que l’on ne savourait à Yaoundé plus que par intermittence depuis la disparition des festivals à lui consacrés. Mercredi 18 avril 2012, quelques semaines seulement après un concert d’un quartet camerounais nouvellement formé (Xikus Quartet), l’Institut français du Cameroun (Ifc) a remis ça. Cette fois-ci avec un autre quartet venu de la France.
Et au bout de deux heures d’une performance qui a parfois frôlé le sublime, ce groupe constitué d’un contrebassiste, d’un batteur, d’un pianiste et d’un trompettiste a mouillé chemise. C’est quoi le jazz déjanté en fait ? Est-ce du jazz pop, du jazz punk, du jazz rock ? Pas question de se fendre le crâne avec ses questions. Car Médéric Collignon, artiste de l’année aux Victoires du jazz en 2010, et ses compères ont associé tout cela. En partant bien sûr des fondamentaux. C’est ainsi qu’un parfum de Miles Davis, celui du jazz électrique du début des années 70, a plané sur la soirée. Tout comme une invocation du pianiste Herbie Hancock.
Un retour qui a mieux conduit les instrumentistes vers d’autres sphères rythmiques comme la soul, le rock et même le high life. De cette soirée, on retiendra surtout la folie contagieuse de Médéric, son art de la trompette, ses jeux vocaux ainsi que sa verve improvisée, ses expérimentations vocales et électroniques. Car l’homme est capable de produire des sons insoupçonnés avec une rapide vitesse d’exécution. De sa voix, il produit des sons inimaginables, la transformant et la déformant au gré du tempo et de son humeur. Un vrai caméléon capable de rompre avec bonheur un certain iconoclasme que l’on croyait indécrottable du monde du jazz.
Le rendu fût ainsi parfois bruyant. Sans que l’on ne retrouve à redire tant l’harmonie instrumentale était des plus maîtrisé. Il y eut aussi beaucoup de cadences, de ruptures, de départs en trombe ou de bifurcations inattendues. Toujours dans une bonne humeur et une concentration qui a déteint sur un public savourant jusqu’à la lie une partie enchantante à maints égards dans une fièvre du mercredi soir. Le chef de bande pour sa part a été digne de son statut. Offrant une performance individuelle qui a positivement rejailli sur l’ensemble.
Oui il y a chez cet instrumentiste polyvalent quelque chose d’Africain. Cette façon de se laisser pénétrer par le beat, de partager sa bonne humeur avec le public, de jouer à partir de postes différents comme dans un théâtre total propre au continent noir, de communiquer cette bonne humeur au reste de l’équipe, de souffler dans sa trompette avec rage et calme à la fois ont contribué à faire croire au public africain présent qu’il était l’un des leurs. Toutes choses qui ont amplifié son pouvoir artistique imaginatif et sans limites et ainsi bonifié l’ensemble des créations de la soirée. D’ailleurs, il ne s’est pas privé de revenir deux fois après le rideau pour continuer de communier avec ses nouveaux fans. Comme s’il voulait suspendre ce temps qui n’est pas si précieux que ça dans la culture africaine profonde.
Au bout, cet éclectisme musical de bon aloi a ramené au goût du jour la question de la place du jazz, musique d’Afrique par excellence, à Yaoundé. Mais là est une autre histoire que l’avenir se fera l’honneur et même le devoir de rectifier. En sortant de ce «jazz déjanté», on a même oublié le bourdonnement des premières minutes du concert pour ne retenir que le jeu des instrumentistes et le voyage impossible qu’il a instillé chez des mélomanes conquis.

Jospin par lui-même


Littérature
Face à deux confrères, l’ancien Premier ministre relate son parcours politique sans animosité, mais avec acrimonie, guidé par le service de l’Etat.
Ce livre entretien c’est avant tout une incursion dans la méthode Jospin de la gestion publique en France. Une méthode qui n’est pas loin des valeurs inculquées à l’ancien Premier ministre par son père, prof de lettres, et sa mère, sage-femme.  Des parents qui bien que de sensibilité de gauche étaient «attachés à la liberté de penser» et «formaient leurs jugements eux-mêmes». L’homme a ainsi grandi «dans un milieu ouvert, libre, mais articulé autour de valeurs éthiques.» Toutes choses qui allaient le prédisposer à la bonne gestion des affaires publiques ? Sans doute. Mais qui auront été déterminant pour le jeune fonctionnaire du ministre des Affaires étrangères qui s’engage en politique grâce à des rencontres. Il y eut d’abord celle d’avec l’Allemand Boris Fraenkel installé en France dans les années 60. En cette période où «Les socialistes de la SFIO sont décrédibilisés par la guerre d’Algérie, et le PSU (qui) ne perce pas politiquement», le jeune homme s’initie auprès de cet introducteur de Marcuse en France et dévoreur de livres au trotskisme où «le cosmopolitisme européen» figure en bonne place. Trotski lui apparaît alors comme un homme de grande culture, ouvert sur le monde, ayant des liens multiples avec les intellectuels et les artistes.
L’autre rencontre est celle d’avec François Mitterrand après son adhésion au parti socialiste en juin 1971 au lendemain du fameux congrès d’Epinay. Il voit dans cette adhésion le moyen de concilier ses convictions d’homme de gauche et sa formation pratique. Commence alors une ascension qui, sans être fulgurante n’en est pas moins particulière. Au fil de son récit, l’on sent un Jospin tout dédié au parti et à la politique qu’il pratique désormais même en se rasant comme dirait son nouveau mentor. Un lien presqu’intime se tisse entre les deux au fil des ans et des victoires. C’est ainsi que deux ans après son adhésion, il devient secrétaire national à la formation du parti. Après quelques autres responsabilités de premier plan, il devient numéro 2 puis Premier secrétaire après la présidentielle de 1981 et le départ de Mitterrand pour l’Elysée.
Le septennat qui suivra va lui permettre de s’affirmer auprès des siens par son sens du travail bien fait, de la bravoure et du courage. Derrière l’ombre de son mentor, il parvient à se faire une place, fut-ce au prix de certains désaccords avec le président. Des années qui, racontées par lui, permettent de se rendre compte qu’il est devenu une forte tête qui, malgré la discipline du parti, n’hésite pas à imposer sa donne. C’est ainsi qu’il décidera au grand étonnement de beaucoup d’abandonner le parti pour aller au cours du 2è septennat de Mitterrand s’occuper du ministère de l’Education nationale. Où il aura l’occasion d’impulser des réformes et de mettre en pratique ce qu’il dessinait déjà dans les années 70.
Comme souvent pour ce type de personnalité publique, certains choix s’imposeront en quelque sorte à lui. C’est le cas avec sa candidature à la présidentielle de 1995 alors qu’il n’est plus dans le directoire du parti ; ou encore cette dissolution de 1997 qui lui ouvre la voie de Matignon pour cinq années qui ont marqué l’histoire récente de la France. Même l’échec au premier tour en 2002 restera aussi comme quelque chose d’imposé par la destinée. Trahi par une gauche qui refuse de s’unir derrière lui alors qu’il a un bon bilan à défendre. Il prend donc sa retraite politique à une marche du sacre. De ce retrait beaucoup sera dit, mais pour Jospin, il était alors question de prendre ses responsabilités et de «réintroduire la gravité» dans «l’inconséquence de la gauche dans cette élection». Au bout du parcours, il estime avoir «trois motifs de satisfaction : avoir agi selon les convictions et sans cynisme ; s’être efforcé de servir l’intérêt général ; se sentir, non pas apprécié par tous, mais aimé de certains et respecté par beaucoup.» Et si c’était cela q
ui l’avait empêché d’atteindre, finalement, le graal de l’Elysée ?
Lionel raconte Jospin, entretien avec Pierre Favier et Patrick Rotman, Paris, Seuil, Janvier 2010, 272 pages.

Ambroise Kom :Je suis un citoyen libre de sa parole



Interview littérature

Ambroise Kom
Après une quinzaine d’années de va-et-vient entre le Cameroun et l’étranger, l’un de nos plus valeureux chercheurs et critique littéraire est rentré au bercail il y a quelques semaines. Avec sous le bras un énième recueil de ses textes d’analyses des œuvres africaines produites localement ou en diaspora (Le devoir d'indignation, Présence Africaine). Occasion pour nous de lui rendre une petite visite et d’avoir une conversation à bâtons rompus sur nombre de sujets concernant la vie littéraire et critique en ce moment où l’on a en mémoire le fameux colloque de Yaoundé organisé en avril 1973 sous la houlette de l’un de ses mentors Thomas Méloné. Et comme à son habitude, il n’a fui aucune question, répondant avec la même verve qu’on lui connaît, lui qui par ailleurs est l’un des piliers du projet de l’Université des Montagnes de Bagangté dans le cadre de l’Association pour le développement de l’éducation (AED).

Entretien avec Parfait tabapsi

En lisant le titre de votre dernier ouvrage, on a comme l’impression qu’une certaine urgence a présidé à sa préparation et à sa publication, ce d’autant plus que les manifestations des «indignés» enrayaient la planète entière. Est-ce bien cela ?
Il me semble qu’une indignation peut en cacher une autre. Vous faites sans doute allusion à Stéphane Hessel dans votre référence aux manifestations des indignés qui enrayaient la planète entière. Le génie des grands esprits comme Hessel est de trouver le mot juste ou la formule idoine pour résumer une situation qui prévaut à un moment donné de l’histoire. C’est ce qu’on a connu par exemple avec Frantz Fanon lorsqu’il publie Les Damnés de la terre. Contrairement à ce que vous suggérez, mon ouvrage n’est nullement le fruit de quelque urgence. Il s’agit essentiellement, comme vous l’avez vu, d’une collection d’essais produits au cours des 20/25 dernières années de ma carrière. Et ici, l’indignation renvoie davantage à Yambo Ouologuem puisque le devoir d’indignation «subliminalise» le devoir de violence. L’indignation ayant présidé à ma démarche intellectuelle, il m’a semblé que le devoir d’indignation résumait assez bien le contenu de l’ouvrage. J’avais d’abord proposé «En attendant le messie…» comme titre mais l’éditeur a trouvé cela un peu trop provocateur !

Parlant de Frantz Fanon justement, il a dit dans Les damnés de la terre que la mission de l’écrivain africain c’est de «secouer le peuple (…) de se transformer en réveilleur du peuple», cela par la production d’une «littérature de combat, une littérature révolutionnaire». Vous situez-vous dans cette perspective fanonienne en écrivant ou avez-vous d’autres motivations ?
Par certains côtés, je suis effectivement un disciple de Fanon mais je ne saurais prétendre me situer au même niveau que l’illustre analyste de la condition du dominé. Nous avons hérité de Fanon des concepts pertinents pour décrypter notre réel et c’est ce que j’ai essayé modestement d’exploiter. Nous ne devons pas nous fatiguer de lire et de relire Fanon dont l’œuvre n’a point de rides.
A vous lire, l’on voit bien que la méthodologie critique que vous convoquez pour analyser les écrits des auteurs africains et de la diaspora sortent des sentiers de l’orthodoxie académique occidentale. Quelle en est la justification ?
Je ne sais pas ce que vous entendez par «orthodoxie académique occidentale». J’ai toujours été - et je demeure - un critique africain des productions culturelles des peuples noirs d’ici ou d’ailleurs. Pour y parvenir je recours aux concepts les plus opérationnels qu’ils aient été élaborés par des Asiatiques, des «Occidentaux» ou des Africains. Je ne me suis jamais refugié derrière des frontières par choix idéologique. Partout où je trouvais des sources fécondantes, je m’y abreuvais. Et il vous appartient de juger du résultat qui se trouve en partie dans cet ouvrage.

Votre «subalternité consciente» vous range dans ces études postcoloniales qui pour d’aucuns –à l’instar de Jean-François Bayart- constituent une sorte de «carnaval académique» de mauvais aloi. Quels arguments leur brandissez-vous ?
Je n’ai pas d’arguments particuliers à opposer à qui que ce soit pour affirmer ma subalternité. Je la démontre. J’ai cité Jean-François Bayart en passant parce que j’avais trouvé sa formule un peu curieuse. Mais en fait, la thèse de Bayart est assez simple puisqu’il prétend essentiellement que les théoriciens de l’Hexagone ont aussi étudié la condition du subalterne bien avant les Asiatiques et autres universitaires américains. Et donc qu’il n’y a rien de neuf dans ce concept. C’est son avis et ce n’est pas le mien. Je considère qu’au-delà de la contribution des théoriciens français que cite Bayart, des critiques d’autres horizons tels que Spivak, Said, Bhabha, Fanon, etc. ont contribué de manière significative à construire l’identité du subalterne.
  
L’exil et la diaspora africaine irradient vos écrits. De quel poids ces deux thématiques pèsent-elles dans la pensée africaine actuelle ?
Je n’invente ni l’exil ni la diaspora. Il s’agit d’une réalité qui impacte la vie africaine contemporaine. La littérature ou plutôt la culture africaine produite en exil par la diaspora africaine est de loin supérieure à la production qu’on trouve sur le continent, surtout en pays francophone. La qualité de l’expertise africaine de la diaspora est de loin meilleure que la continentale. Depuis la fin des années 1980, la diaspora africaine en Europe et en Amérique du Nord est d’une importance qu’il faut être sourd et aveugle pour ne pas en tenir compte. Et cela se voit dans le domaine culturel et économique. Comment oublier qu’au cours des 15 dernières années je vivais à cheval sur l’Afrique, l’Europe et l’Amérique du Nord puisque j’enseignais aussi bien au Cameroun qu’aux USA en transitant constamment par l’Europe où je faisais pas mal de rencontres avec la diaspora dans mon effort de promouvoir l’Université des Montagnes (UdM) ? La diaspora camerounaise apporte une contribution importante à l’UdM et j’ai dispensé plusieurs enseignements sur l’exil en général et sur la diaspora africaine en particulier. Il s’agit d’une problématique très riche dans le travail que je fais aussi bien dans l’enseignement que dans la construction de l’UdM.

Université de Yaoundé : sous les braises, la plume

Littérature

Les années de braise. Voilà une expression quelque peu éculée chez nous. Et qui renvoie en ces années cruciales dans le combat pour la liberté au lendemain du vent d’Est. Années dont le souvenir hante encore bien des esprits d’ici et qui sont loin d’avoir dévoilé tout le torrent d’angoisses, de labeur, de peine, d’effroi et parfois de tragédies qu’elles ont causé chez nombre de Camerounais. Camerounais qui au demeurant ont payé un lourd tribut durant ce qui apparaît deux décennies plus loin comme la lutte pour une seconde (et dernière ?) indépendance. Jusqu’à récemment, ces années étaient évoquées sous deux prismes essentiellement : les témoignages et le récit fictionnel. Pour le premier cas, il n’y a qu’à se remémorer par exemple «Mes patrons à dorer» du journaliste et ancien étudiant Se’nkwe P. Modo (Yaoundé, Masseu, septembre 2006, 306 pages) ; «Le journalisme du carton rouge, Réflexions & chronologie des années orageuses» du journaliste Edmond Kamguia Koumchou (Yaoundé, L’étincelle d’Afrique, juin 2003, 324 pages) ; ou encore «Education et démocratie en Afrique, Le temps des illusions» (Paris, L’Harmattan et les éditions du CRAC, 1996, 292 pages), recueil d’articles du chercheur en littératures africaines et africaines américaines Ambroise Kom. Pour le second prisme, on peut évoquer le magnifique roman de François Nkémé, «Le cimetière des bacheliers» (Yaoundé, Ifrikiya, 2010 pour la 3è édition). Des écrits qui ont permis en leur temps d’avoir un aperçu des «événements de l’université» comme aimaient à le raconter des témoins, avec souvent une dimension fantasmagorique, voire tronquée.
On en était là jusqu’à ce que les Editions Terroirs du Pr Fabien Eboussi Boulaga nous proposent ces Mémoires des années de braise. La grève estudiantine de 1991 expliquée. Un ouvrage tant annoncé qu’on avait fini par désespérer de sa sortie. Finalement, il est arrivé, avec en prime deux versions (française et anglaise)... en une. Pour le plus grand bonheur des chercheurs sur la question et des Camerounais ordinaires, avides de savoir «ce qui s’était passé» sur le campus de Ngoa Ekellé, l'unique université du Cameroun d'alors, dans les années 1991, 92 et 93. Années de contestation forte. Où la parole longtemps contenue par la force du parti unique et l’absence de démocratie avait fini par se libérer pour porter aux nues les aspirations d’une population estudiantine qui vraisemblablement n’en pouvait plus.
En présentant de manière exhaustive les textes qui structurèrent les revendications de ses camarades, Cilas Kemedjio a sans doute fait œuvre utile. Non seulement pour le souvenir, mais également pour indiquer que le temple du savoir que constitue l’université n’est guère un lieu de conformisme, encore moins de l’acquiescement à tout va. Un lieu où la réflexion, du fait des franchises universitaires, ne doit souffrir d’aucune caporalisation. En lisant la somme, l’on est frappé par la capacité d’analyse des «parlementaires de la plume» au double plan des contenus et de la forme. Parfois, les pamphlets sont si virulents avec l’establishment que l’on se demande quel était le ressort qui travaillait les méninges dans les chambres des cités universitaires où la débrouillardise avait, comme aujourd’hui encore, tous ses droits. L’auteur fait simplement savoir que la volonté de l’époque était de graver ce qui se passait dans le marbre de l’écriture qui seule peut survoler le temps et les époques. Ce d’autant plus que les grèves précédentes souffriront ad vitam aeternam de ce manque de consignation écrite.
Par ailleurs, le livre présente en filigrane l’engagement de ceux-là qui, à un moment donné, ont souffert du délit d’être étudiant, ont subi les pires humiliations (que l’on se souvienne de l’étudiante Ange Guiadem Tekam promenée toute nue sur le campus) ainsi que des disparitions inexpliqués, voire provoquées et des morts (Collins Djeungoué Kamga et beaucoup d’autres anonymes). Toutes choses qui, ajoutées à la répression du pouvoir en place tentant de contenir la grève ont jeté de l’huile sur un feu qui n’avait que trop rongé son frein depuis quelques années et qui ne se fit point prier pour embraser le campus et les environs. On vit ainsi, à en croire les écrits, une chasse à l’homme avec battue comme si l’on traquait des bêtes sauvages ou des gangsters.
Avec cette présentation de textes accompagnée de discours d’escorte et d’annotations, bref ce tableau analytique, on en apprend sur la période. Sans toutefois voir sa soif étanchée, car les annotations justement ouvrent la voie pour en savoir plus sur ce pugilat verbal qui structura ces années déterminantes de l’université camerounaise dans sa quête d’existence. Il est donc à espérer que les parlementaires de la plume ne s’arrêteront pas en si bon chemin et offriront à l’avenir une étude plus détaillé de la bataille des logos que surent si bien entretenir les médias de l’époque. Mais peut-être que cette noble tâche pourrait intéresser d’autres chercheurs en sciences sociales. Ce qui constituera un bon prolongement à un travail entamé naguère dans des revues de renom comme Peuples noirs-peuples africains, Politique africaine ou Le Monde diplomatique par des chercheurs camerounais et étrangers sur l’une des problématiques les plus pertinentes du siècle passé au Cameroun.

Cilas Kemedjio (Introduction, annotations, analyses), Mémoires des années de grève. La grève estudiantine de 1991 expliquée, Yaoundé, Editions Terroirs, juin 2013, 352 pages.

mercredi 16 décembre 2015

Symphonie dernière


Sur le terrain en Guinée Equatoriale
Mon cher Ateba
Où trouver les mots pour arriver au bout de cette missive dernière ? A l’heure d’entamer en effet la dernière ligne droite de tes adieux, je suis transi d’une angoisse indescriptible. Voici donc que nous allons nous séparer de ton corps et de tout ce qui faisait ta singularité. En cette heure forcément grave, permets-moi de troubler ta quiétude, toi qui a d’autres chantiers en ce moment pour pouvoir t’installer dans ce monde que nous ne voyons certes pas, mais que nous percevons au quotidien, et avec qui nous interagissons, même par omission.
Mon cher Ateba,
L’heure n’est peut-être pas aux blagues, mais comment oublier cette faconde que ton culot avait souvent le malin plaisir à nous jeter à la face ? Oui du temps de nos humanités à l’ESSTIC, tu n’as jamais manqué d’affronter la vie intenable qui était la tienne avec cette joie de vivre si rare de nos jours. C’était il y a plus de dix ans maintenant mais qui peut dire que tu as laissé tout cela au placard de ta vie du fait des rigueurs professionnelles ? Mais avant d’en venir à cette deuxième vie que j’aurais, durant tout son long, observé de l’extérieur, permets-moi à nouveau d’arpenter les sentiers de notre mémoire commune pour en extirper les bons moments et la philosophie consécutive.
Notre dernière rencontre remonte à il y a tout juste quelques semaines. La précédente quant à elle a eu lieu dans un hôtel de Yaoundé où nous étions tous deux en bleu de chauffe pour nos rédactions respectives. Toi tu suivais l’inlassable feuilleton des primes de nos sportives que le gouvernement tardait à régler, sans doute échaudé et malheureux des performances plus qu’honorables de nos vaillantes Lionnes du basket, finalistes de la compétition continentale qui avait lieu sur notre sol et qui avait un peu réconcilié le public d’avec un sport qu’il avait été réduit à ne voir qu’à la télévision. Moi, je prenais part à la 5è édition de la conférence africaine sur l’économie créative piloté par la toute puissante association Arterial Network basé en Afrique du Sud. Nous avions alors profité d’une rencontre impromptue au hall de l’hôtel pour prendre de nos nouvelles respectives, commenter un peu l’actualité et surtout entamé une réflexion, avec nos confrères journalistes sportifs, sur le sort de l’AJSC, l’association des journalistes sportifs culturels du Cameroun.
Quelques semaines plus loin, je te hélai au lieu-dit Poste centrale à Yaoundé. En face de la CAMTEL où j’ai mes habitudes avec mes potes vendeurs de livres et magazines étalés à même le sol, la librairie par terre pour emprunter à une terminologie qui fit flores en son temps. J’y prenais une pause-échanges avec ces derniers lorsque je te vis venir de l’arrêt bus qui jouxte la tribune présidentielle du Boulevard du 20 mai. Tu me reconnus et de suite un sourire fit son apparition sur ton visage. Visage pas gai du tout, je dirais même triste. Tu avais une culotte de couleur beige et un tee-shirt dont j’ai oublié la couleur et qui t’enserrai rageusement le torse. Je n’eus guère le temps de prendre vraiment de tes nouvelles, heureux de te revoir. Déjà, je te présentais à mes amis en tes qualités de chef de rubrique au quotidien Le Jour. Cela pour mieux introduire un sujet qui me tenait à cœur : te permettre de te procurer à des prix incroyables ce qui peut paraître comme une bible pour les journalistes de ta trempe sous nos cieux à savoir le fameux quotidien français du sport et de l’automobile L’Equipe. D’ailleurs, tu achetas le numéro en cours qui datait du jour précédent. Sur ce, tu pris congé. Et moi je restais planté là, un peu surpris de cette séparation qui m’apparut brusque. Je ne savais pas alors que c’était notre dernière rencontre. Plus encore, j’étais à mille lieues d’imaginer qu’une sale maladie te rongeait déjà, bien que ton physique alors, et rétrospectivement, en avait déjà annoncé les prémisses.

A son bureau
Mon cher Ateba,
C’est dans la chaleur de Bafoussam que j’ai appris ton décès, qui me parut soudain, le dimanche 6 décembre. J’étais dans le car de transport de retour de Foumban, haut lieu de la culture. Des posts crépitaient dans mon téléphone portable et j’avais du mal à y croire. J’étais alors épuisé par trois jours d’atelier avec le choc des rencontres qui en est le corollaire. Atelier que la Cameroon Art Critics (CAMAC), que je préside depuis cinq ans, avait organisé au centre d’art contemporain Bandjoun Station avec le partenariat du Goethe Institut Kamerun. Je fus saisi d’un sentiment difficile à décrire, à chemin entre la surprise et la peine. Une douleur me traversa sur le chemin de retour à Bandjoun Station où j’avais encore une nuit à passer. La nuit durant, je cherchai en vain le sommeil, taraudé par une douleur intenable. Au petit matin, il fallait pourtant continuer mon programme avec une visite à Dschang où des rendez-vous m’attendaient, puis à Bafoussam où la famille me souhaitait depuis un bon moment. Les jours suivants allaient accroître cette peine avec des coups de fil de la famille que nous avions commencé à constituer à l’ESSTIC avec des noms comme Beaugas-orain Djoyum, Manyanye Paul Ikome, Assongmo Necdem, Stève Libam, Michèle Wandji Ngosso, Patricia Ngo Ngouem ou Muriel Edjo Bidjo. A chaque fois, on s’étonnait de ce départ subit. Moi un peu moins, parce que j’avais croisé ton patron quelques jours plutôt à une réception à Yaoundé consécutive à la soutenance de thèse d’un frère qui jadis fut ton collègue. Il m’avait alors narré avec une verve mâtinée de commisération la situation qui était la tienne, toi qui avais été comme embastillé par ta famille nucléaire. Il ne manqua pas de s’étonner de pareille situation avant de lâcher qu’il ferait tout son possible pour te permettre de vivre à nouveau. Nous nous séparâmes au bout de la nuit avec pour moi le sentiment que ces paroles entreraient en action pour te sauver la mise. Hélas !

Mon cher Ateba,
Te souviens-tu de notre compagnonnage à l’ESSTIC ? Moi je me souviens de quelques moments forts et donc inoubliables. Comment ne pas inaugurer ce chapitre par le courage qui était le tien dans ta posture professionnelle ? Oui, je me souviens de cette aventure de Campus Plus, le magazine que nous réalisâmes en 3è année pour le compte de l’ESSTIC et pour lequel tu te chargeas de faire un reportage sur les veillées dans les familles les soirs de Champion’s League européenne. Ou encore de cette interview de Joseph-Antoine Bell que tu promis avant d’aller cueillir à Douala pour le compte de l’émission Médias d’Afrique alors animé par notre compatriote Alain Foka à Radio France International. On était alors en 2007 et RFI avait décidé de lancer ses programmes depuis notre campus et nous devions, contrairement à ce qui fut écrit à l’époque, imaginer et produire des contenus de notre cru. Ce fut un exercice, rétrospectivement, de haute valeur journalistique, au grand dam de nos propres enseignants qui ne vendaient pas cher notre peau ! Tu apportas donc du tien pour ce programme dont la thématique surfait sur les vagues de la sorcellerie dans les milieux du foot au Cameroun.
Mais avant la 3è année et ces faits d’armes de jeune reporter sportif, tu nous avais donné à voir l’étendue de tes capacités. Avec le recul, je n’arrive pas à réaliser comment je pus laisser le soin à d’autres de te coiffer d’un sobriquet alors que j’avais auparavant fait mes preuves envers d’autres camarades (n’est-ce pas sénateur Tjombé, Miss Gombo, Miss Mfou, Miss Akeuk, Thatcher ou Sir Ikomè ?). Avec toi pourtant, j’eus rapidement des atomes crochus du fait de ton penchant pour la culture (le surnom de L’artiste l’atteste d’ailleurs). Tu me révélais alors que Georges Minyem était ton oncle. On en profita à certaines pauses pour également évoquer la FM 105 où avait travaillé l’un des tiens, Corneille Minyem pour ne pas le citer. Evidemment, nous parlâmes de foot tout au long des trois années. Occasion où tu mis à rude épreuve ma connaissance de ce sport qui une décade plus tôt, et pendant plusieurs années, fût ma tasse de bouillie, avec pour pic le Mondial états-unien de 1994 où je risquais mon bacc en suivant jusque tard dans la nuit les retransmissions des matchs des Lions.

Dans le combat pour un journalisme plus respecté
Mon cher Ateba,
Durant ces années, je fus marqué par ton élégance avec ces chemises à ras-le corps assorties de cravates flamboyantes ; de ces jaquettes en coton avec ce feutre tout aussi sombre sur la tête ; ou encore ces costumes quatre pièces que tu avais le chic de mettre certains jours pour prendre à contrepied ceux de tes admirateurs qui appréciaient tes culottes et pantalons jeans près du corps. Tout le long, tu nous inondas de cette bonne humeur aux antipodes de la situation difficile qui était alors la tienne. Une sorte de stoïcisme salvateur qui allait, couplé à ta détermination, te permettre de terminer ce premier cycle de l’ESSTIC d’un trait. Comment ne pas évoquer aussi ton impertinence, qualité première de notre métier s’il en est, vis-à-vis même de nos enseignants ? Je me souviens de cette causerie en 1ère année où tu me faisais savoir combien tu ne supportais pas que nos enseignants soient les premiers à faire la cour à nos camarades filles. Non parce que tu y voyais une quelconque concurrence, mais parce que tu estimais la différence d’âge énorme. Et tu ne manquais pas de le faire savoir à ta manière, soulevant au passage l’ire de quelque enseignant-soupirant !
De ces années, mon regret le plus grand aura été de ne pas trouver suffisamment d’arguments pour t’attirer dans la famille que nous avions pourtant commencé à mettre en place. Et pourtant, tu fus l’un des plus enthousiastes lorsqu’en 3è année, anticipant sur une éventuelle dispersion, on avait décidé de nous retrouver dans un cadre plus familial pour nous entraider. Tout en cherchant les idées pour mieux faire le métier qu’on avait aimé et appris. Je me souviens encore de cette soirée où tu nous menas jusqu’à l’une de tes connaissances au quartier Manguiers à la rencontre d’un informaticien qui allait nous aider pour notre site internet. Ou encore de cette journée que nous passâmes chez toi à Anguissa où tu nous promis une pièce pour installer nos futurs bureaux. Aujourd’hui, je pense que si cette relation s’était poursuivie normalement, peut-être que ton destin aurait pu être autre. Plus d’une fois dans le cadre de nos retrouvailles en famille, j’ai déploré ton absence tout comme celle de la sœur Agnès Sylvienne Andzama. Et plus d’une fois, j’ai essayé de te ramener, avec un insuccès qui résonnera toujours dans ma mémoire comme une créance impayable.

Mon cher Ateba,
A l’heure de te dire au-revoir donc, je me rappelle de toutes ces images et de ces leçons de courage. Un dernier élément cependant : ton rire dont l’éclat, ou le sanglot c’est selon, portait une charge violente certes, mais significative de la dureté que la vie ici-bas avait réservé pour toi. Le temps est donc venu alors que tu entreprends ce voyage avant nous de connaître l’autre face de cette dualité. Puisses-tu, mon cher Ateba, connaître encore plus de joie et irradier de ta présence joyeuse nos quotidiens plus souvent fades au moment même où la nécessité de sauver la planète physique s’impose. Cela nous sera d’autant plus important que nous avons, tous de la promo, un sort à conjurer : la fatidique date du 06 qui nous a déjà pris, souviens-t’en, Lize Mireille Yango. C’était en septembre 2006. Bien vouloir, ultime supplique, lui transmettre nos salutations de terriens qui n’oublient pas qu’en 2004 naissait une autre famille à laquelle nous n’avons plus le droit de tourner le dos. Au-revoir mon cher Ulrich Fabrice Ateba Biwolé !

Parfait Tabapsi, condisciple, rédacteur en chef du magazine Mosaïques 

dimanche 9 mars 2014

Chapitre six: peur, fatigue et liesse

Cheick Tidiane Seck.
Carnet de route à Abidjan

Moi poule mouillée ? Peut-être. Hier, je suis rentré plus tôt à l’hôtel. C’était dans les coups de 23h et alors que le héros du soir Alpha Blondy n’avait pas encore monté sur scène. La faute à une sorte de paranoïa qui s’est installée en moi à la vue du dispositif sécuritaire auquel cette dernière soirée avait donné lieu. Les policiers avaient en effet investi l’esplanade du Palais de la culture. S’y trouvaient également les gars de l’armée, tous armés de fusils bien en évidence. Alors j’ai pris peur alors que mon métier m’enseigne le contraire. Mais comment faire autrement quand toute la semaine durant j’ai bien observé que la paix des cœurs n’était pas encore la chose la mieux partagée ici ?
Mais avant de rentrer, j’ai vu nombre d’artistes de talent. A commencer par le doyen Cheick Tidiane Seck et son groupe. Après avoir regardé et écouté nombre de ses prestations, dont le dernier lors du concert de son ami Manu Dibango à Würzburg en RFA l’année dernière, j’ai savouré les trois thèmes qu’il a proposés. Son jeu de piano et son adaptation aux écritures musicales contemporaines ne m’ont certes pas surpris, mais de le voir là en vrai m’a plu. Journée de la femme oblige, elles étaient nombreuses les chanteuses africaines à défiler sur les deux scènes apprêtées pour cette clôture. Qu’il s’agisse de la Burkinabé Steelbee ou de la Malienne Miriam Koné, toutes ont assuré. Tout comme Saintrick qui a essayé avec quelque succès de mettre le feu. Pour cette première partie de la soirée, un groupe venu du Maroc a partagé la musique gnawa avec le public avant d’en exécuter une variante très cadencée qui a soulevé les mélomanes qui avaient envahi cette esplanade finalement étroite.
Devant l'hôtel en chantier.
En sortant de cet espace, j’ai encore plus pris peur avec les échauffourées à l’entrée. Situation maîtrisée mais qui pouvait dégénérer à tout moment. De retour à l’hôtel, j’ai allumé la télé pour constater que le show était diffusé mais avec un léger différé. J’ai alors entamé la lecture de quelques articles du magazine Mosaïques en cours de production. Et lorsqu’Alpha Blondy est finalement apparu, j’étais si fatigué que j’ai pu à peine voir deux morceaux. J’ai eu le temps tout de même de voir qu’une liesse sans pareille avait pénétré les lieux. Ce qui finalement constituait pour moi la meilleure image de cette 8è édition qui aura apporté son grain de sel au processus de réconciliation d’un peuple qui a connu les affres d’une guerre dont il aurait pu se passer. Au diable si DJ Arafat, annoncé mais finalement absent, car le public a bien reçu les invités du soir et répondu massivement à l’occasion.

Avec Queen Etémé.
Fatigue
La journée d’hier, je l’ai passé pour l’essentiel à l’hôtel aux prises avec la fatigue. J’en ai profité pour régler quelques affaires courantes au pays et esquisser le rendu final de ce MASA dans les colonnes de Mosaïques. J’ai également reçu la visite d’un chercheur en littérature négro-africaine en la personne d’Adama Mansaké qui coordonne actuellement un ouvrage collectif sur Mongo Beti ici en Côte d’Ivoire et qui n’a pas manqué de me faire savoir que l’écrivain camerounais avait été un visionnaire comme l’attestent ses œuvres. Je suis allé ensuite au QG retirer mes frais de visa avec Monique. Elle en a profité pour se faire examiner par l’équipe médicale du festival. Avant d’aller au concert, j’ai croisé Queen Etémé en partance pour Grand Bassam où elle devait participer à un concert de jazz comme la soirée précédente. Un événement accolé lui aussi au MASA. Elle a déployé tous les trésors de persuasion pour m’amener à y aller. Sauf que je ne pouvais prendre le risque de sortir d’Abidjan sans informer le comité d’organisation. Une erreur fatale pour un journaliste étranger si jamais survient un quelconque pétrin ou pépin.
J’ai fait un tour avant la fermeture au marché de Treichville pour acheter quelques souvenirs pour ma famille. J’y ai croisé un Mandingue de bon cœur qui a comblé mes attentes vu mes ressources financières.

A demain !

samedi 8 mars 2014

Chapitre cinq: escapade à Adzopé

Carnet de route à Abidjan
Une séance de matango à Adzopé.
Décidément, il ne va pas se passer un jour sans que je ne rentre tard et fatigué à mon hôtel. Hier, je suis allé au lit passé 2h du mat. La faute au mal d’oreille persistant de Monique, amie et consoeur du quotidien Mutations. Quelques instants en effet avant le coucher, elle m’a envoyé un sms alarmant et nous sommes partis à la recherche de la pharmacie de garde la plus proche. Que nous avons trouvé à quelques 500m, non sans dompter la peur d’être agressé par les saigneurs de la nuit. Nous avons été rassurés par une patrouille de civils installée au frontispice de l’hôtel. Dieu merci, il n’eût point d’escarmouche et nous avons pu dégotter un médicament qui lui a permis de passer la nuit.
Mais avant cet épisode, quelle journée ! Sorti de l’hôtel autour de 10h, je suis allé porter personnellement ma requête en vue de me faire rembourser les frais de visas et autres transport auprès de la chargé de com’ Chantal Nabalema. Qui m’a reçu avec sourire avant de me promettre de décanter la situation en journée. Elle m’a également remis mes tickets resto pour le restant de mon séjour. Après quoi un certain Luc Hervé qui travaille dans l’organisation m’a proposé le voyage sur Adzopé, à 80 km, où se délocalise le MASA. Ce que j’ai accepté avec empressement, vu que voir du pays, c’est l’un de mes vœux à chaque voyage de presse.
Durant le trajet, j’ai vu un pays paisible et des visages plus avenants. Pas de barrages policiers à vous faire chier comme au Cameroun ; pas de payage non plus, quoi qu’il m’a été dit qu’il y en aura bientôt. En regardant par-dessus la vitre de la voiture les plantations de cacaoyer, je n’ai pu m’empêcher de penser à mon enfance. Quand je détestais souvent aller aux champs avant de m’y résoudre sous la menace de grand-père qui savait aussi, et je dois l’en remercier, me ménager. En voyant ces champs, j’ai imaginé le sens du labeur qui devait être celui des populations qui ont fait de ce pays l’un des premiers producteurs de la fameuse fève au monde.
Le jongleur Cassio.
Nous sommes finalement arrivés à Adzopé en début d’après-midi où nous avons été accueillis par le service d’intendance de la résidence du ministre des Infrastructures Patrik Achi. A la place de l’escargot que je rêvais de manger ici, je me suis contenté du poulet. Nous sommes ensuite, avec d’autres confrères ivoiriens, partis sur le site en plein air de l’événement. Où d’entrée nous avons assisté à un concours du meilleur élève dragueur. Ce qui m’a amusé et conforté à la fois. Car ces gamins ont démontré que l’imagination était une compagne accessible après tout ce qu’ils ont connu. Les musiciens pouvaient alors prendre d’assaut le podium. Non sans que deux conteurs –l’un du pays Atié et l’autre du Niger- aient vanté leur savoir conter. Le jongleur Cassio qui avait voyagé avec nous a également fait une démonstration tout en finesse et en maîtrise qui a ravi le public, moi aussi. Alors qu’un groupe congolais, Lexxus a commencé à nous entraîner vers les territoires du soukouss, voilà que le ministre Achi prenait congé. Nous attirant du même coup. A sa résidence, il s’ouvrit à nos micros et caméras de bon cœur. Pour nous dire combien cette région portait en son sein l’art et la musique que son destin de politicien et de mécène culturel condamnait à accompagner. Et ce quel qu’en fût le prix. Dans ses propos et ses yeux, je lus une détermination de travailler à faire passer à la postérité artistique cette région qu’on dit engendreuse de talents culturels mais qui ont toujours eu du mal à traverser les frontières nationales.
Le groupe kényan.
On attend Meiway
Je suis sorti de cet entretien avec le sentiment qu’il y avait tant à faire pour que la culture, notamment la musique ivoirienne, la vraie, celle qui exhale les senteurs des villages et campagnes, irradie au-delà de la capitale Abidjan. Nous pouvions alors repartir au théâtre des concerts où le groupe Winyo Gikalo du Kenya prolongeait un peu le soukouss de lexxus, avec bien sûr une coloration plus nuancée, quoique le jeu du soliste ne laissait planer aucun doute sur la ligne rythmique saccadé par moments, soyeuse à d’autres. Vers 20h30, il fallait hélas reprendre la route. Pour 90 min de voyage tranquille, sauf à l’entrée d’Abidjan où un accident a dévié le trajet.
Au village du MASA, le défilé de mode était à la fin. Au grand dam de Monique qui voulait le voir. Moi j’ai foncé me restaurer, attendant le passage annoncé de Meiway. Qui allait tarder. A tel point que pris de fatigue, je dus rentrer plus tôt. Manquant ainsi ce moment qui avait attiré tant de monde. Une fois dans ma chambre qui fait face à l’esplanade du Palais de la culture où ont lieux les concerts en plein air, j’ai entendu les clameurs et les sonorités du chanteur originaire d’Appolo, c’est une ethnie ici. Et pour ne pas voir des problèmes à trouver le sommeil, j’ai ouvert mon ordinateur et me suis laissé bercer par le magnifique album «Talking Timbucktu» du magnifique Ali Farka Touré en compagnie du guitariste américain Ray Corder.

A demain !